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« le fer appelle l’or, » le commerce américain n’a point tardé à se développer à l’abri du pavillon étoilé. En Chine notamment, les importations des États-Unis ont rapidement progressé, puisqu’elles ont été en chiffres ronds de 7 millions de dollars en 1896, 12 millions en 1897, 10 millions en 1898, 14 millions et demi en 1899, 15 millions en 1900, 10 millions en 1901, 24 millions en 1902, 17 millions en 1903, 12 millions en 1904, 53 millions en 1905. En Corée, l’importation américaine est passée de 398 000 dollars en 1903, à 1 823 000 en 1904, et 1 979 000 en 1905. Au Japon enfin, on a vu le progrès du commerce américain, qui, dans tous les pays d’Extrême-Orient, vend beaucoup plus qu’il n’achète. C’est pour cela que le percement du canal de Panama prend, au regard des États-Unis, une si capitale importance. C’est pour cela que ce percement « ne doit être accompli par nulle autre nation que par eux-mêmes ; » pour cela enfin, qu’après la conclusion des traités qui leur assurent le contrôle du futur canal, M. Shaw, secrétaire à la Trésorerie, s’écriait aux applaudissemens de ses concitoyens : « Nos produits, sans égaux, seront transportés à travers toutes les mers, et les États-Unis deviendront de fait, comme ils le sont par nature, les maîtres du plus grand des Océans. »

Que ce langage tint trop peu de compte de la puissance japonaise, il suffit de regarder une carte pour n’en point douter. Même économiquement, nul ne peut se flatter d’être maître du Pacifique que dans la mesure où le Japon le permettra. Et c’est ce dont les Américains ont dû s’apercevoir lorsqu'en 1904, leurs produits ont été systématiquement boycottés dans toute la Chine, sous l’influence, parfois manifeste, des Japonais. Au Japon même la volonté de s’affranchir de l’intervention commerciale des étrangers est évidente, incontestable. L’histoire de la Compagnie américaine pour le Tabac en est la preuve éclatante[1]. Il y a quelques années, cette Compagnie avait installé au Japon des factoreries. L’entreprise, bien menée, promettait de beaux résultats, quand, la guerre avec la Russie ayant éclaté, le gouvernement japonais résolut d’augmenter ses revenus en instituant le monopole de la fabrication et de la vente du tabac. Avertie seulement deux mois à l’avance, la Compagnie américaine fut sommée de vendre ses factoreries au gouvernement japonais à un

  1. Voyez Th. F. Millard, The New Far East. London, 1906.