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sur des précédens, elle en crée un, et le plus dangereux de tous. Pour ce qui est des associations cultuelles que les catholiques n’ont point formées, parce que le Pape leur a interdit de le faire, elle n’a rien à voir dans cette affaire. S’il en était autrement, on pourrait rappeler à M. Briand ses propres paroles, au temps où il disait que les catholiques avaient le droit de ne pas bénéficier des avantages que leur donnait la loi de 1905, et où il cherchait, avec un véritable esprit de libéralisme et de tolérance, à adoucir pour eux les effets de leur résolution. Mais M. Briand a changé d’humeur. Dans le cours de cette discussion, il a eu l’air d’un homme qui se venge d’avoir été méconnu et maltraité. Nous aimions mieux son autre manière.

Encore une fois, il ne s’agissait plus pour l’Église, ni pour les catholiques, de la revendication de biens auxquels ils avaient renoncé. C’est là une question résolue. M. Briand lui-même, dans ses anciens discours, n’avait-il pas professé quelque admiration pour le désintéressement des biens de la terre que le Saint-Père avait montré ? Le geste lui avait paru n’être dénué ni de noblesse, ni de grandeur. Les biens des fabriques devaient donc faire retour aux communes, pour être affectés à des œuvres charitables. Sur ce point, pas de contestation. Mais quelques-uns de ces biens étaient le produit de donations ou de legs qui étaient grevés d’une charge précise, à savoir de messes à dire pour les morts : ce cas était du moins le plus fréquent. Si les messes étaient dites, si les conditions du legs étaient remplies, personne n’avait rien à revendiquer. Mais en serait-il ainsi ? Autrefois, M. Briand avait dit oui ; aujourd’hui, il dit non. Il est vrai qu’autrefois il était simple rapporteur de la loi de séparation et qu’aujourd’hui il est ministre ; mais comment s’expliquer que cette différence dans sa situation ait pu en faire naître une aussi profonde dans son opinion ? On a découvert tout d’un coup que les communes, ou que les organisations communales créées en vue d’œuvres charitables, n’avaient pas le droit de faire dire de messes. Il paraît que la loi de séparation s’y oppose. Avant qu’elle eût été votée et promulguée, les communes pouvaient faire dire des messes ; depuis, elles ne le peuvent plus. Cette prétendue conséquence de la loi provient d’une conception très fausse du régime qui en est sorti. Séparer l’Église de l’État ne veut pas dire que l’Église n’existe plus aux yeux de l’État, mais seulement que l’État n’a plus aucune participation morale ou matérielle à son fonctionnement. On croirait vraiment que l’Église a été comme anéantie pour l’État, et que celui-ci ne saurait plus la voir. Tout le monde la verrait, il n’y aurait que lui qui ne la verrait pas. Quoi de plus absurde ?