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diplomates reprennent pour de bon le chemin de l’Europe. Les conquérans japonais prennent ouvertement possession du pays.

Cette déchéance contraste avec les honneurs divins rendus au monarque. Il ne descend pas du ciel comme l’Empereur de Chine ou de la déesse Soleil comme le Mikado ; le culte de ses sujets n’en est pas moins quasiment religieux. Daigne-t-il serrer la main de l’un de ses sujets ? un signe sensible doit à jamais signaler la place effleurée par les phalanges sacrées. Le souverain n’a jamais de portrait peint de son vivant ; jamais son effigie ne paraît sur les monnaies. Car l’image impériale pourrait-elle tomber dans des mains indignes, se souiller au contact du sol ? On raconte qu’un souverain étranger, ayant adressé à l’Empereur coréen son portrait, le cadeau ne parvint point à son destinataire, nul ministre ne se sentant digne de servir d’intermédiaire à de si hauts personnages. Telle est à Chosen la majesté de cette tradition royale dont l’infortuné Li-Hsi est imprégné.


X. — LA RÉVOLUTION ET LE DÉVOUEMENT AU SOUVERAIN
QUALITÉS MORALES DES CORÉENS


Le 20 juillet 1907, la fin tragique de ce règne douloureux est venue. Dans la nuit du vendredi au samedi, les ministres nommés quelques semaines auparavant, grâce à l’influence japonaise, ont obtenu du souverain qu’un courrier fût expédié pour demander les troupes nippones soi-disant nécessaires à la sécurité du palais. Avertis d’avance, semble-t-il, les soldats du Mikado ne se firent pas attendre : vers minuit, le mausolée royal était complètement cerné. Quels événemens se sont développés au cours des heures qui suivirent ? L’histoire n’en connaît que le dénouement. Les agonies de cette nuit de vendredi resteront mystérieuses. Les derniers efforts de Li-Hsi échapperont à tous, sauf aux quelques témoins de son abdication.

À peine les événemens de la nuit sont-ils rapportés que toute la population est en émoi. Des groupes armés parcourent les rues. Des harangues patriotiques retentissent. « À bas les Japonais ! Mort aux tyrans ! » vocifère la foule enragée. Les domiciles des ministres soupçonnés de trahison sont attaqués. Li-Wan-Yang, le président du conseil, craignant de succomber dans la rue, erre toute la journée dans le palais, sa maison est