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besoins du service ; des malfaiteurs de tout ordre, pour s’assurer une sorte d’immunité, réussissent souvent à se faire enrôler. Aucune solde ne leur étant assurée, ces étranges gendarmes doivent vivre de rapines. Très habiles, ils arrêtent, paraît-il, sans y jamais manquer, les criminels aux trousses desquels on les lance, mais ils les traitent sur un pied de bonne camaraderie qui, pour ces derniers, rend l’aventure peu dangereuse.

Il est donc bien difficile en Corée d’obtenir justice.

La torture, tel est le grand recours des juges pour élucider un procès. Elle est de différentes sortes, dont la plus terrible est sans aucun doute un simple séjour en prison. À ces cachots coréens les chrétiens, en temps de persécution, préfèrent tous les supplices. Qu’on imagine une cour fermée de hautes murailles où s’adossent de petites huttes en planches que, par des portes étroites, un peu d’air et de lumière visite seulement. Le froid et la chaleur y sont également intolérables. L’espace y est si restreint que nos martyrs, incapables de s’étendre à terre, durent se tenir debout, parqués à la façon des bêtes. Le sang et le pus des blessures reçues au tribunal imbibant bientôt les nattes, les maladies pestilentielles enlevèrent bon nombre de malheureux. Tel fut le tourment de la faim et de la soif que plusieurs, après avoir courageusement confessé leur foi dans les supplices, s’abandonnèrent enfin. Ils en étaient venus à manger la paille pourrie, à avaler par poignées la vermine grouillante autour d’eux.

En fait de tortures proprement dites, on cite la planche à voleurs. Le patient doit toujours se coucher sur le ventre. D’une planche de chêne longue de quatre à cinq pieds, on lui frappe violemment les membres inférieurs. Après quelques coups, le sang jaillit, les chairs se détachent et volent en lambeaux : au dixième, la planche résonne sur les os dénudés. Au cours d’un seul interrogatoire, des chrétiens ont reçu jusqu’à soixante coups. Une règle longue de trois pieds, des verges, un solide bâton remplacent quelquefois la planche. Le juge a parfois recours à la dislocation des os. Les genoux et les gros orteils du supplicié sont étroitement liés, deux bâtons tournés en sens contraire ayant été préalablement passés dans l’intervalle qui les sépare. On force sur ces bâtons : les os se recourbent en arc de cercle. Autre procédé. Les bras une fois solidement attachés derrière le dos, on tire sur deux bâtons