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tune, que de limiter, par des dénonciations publiques, les excès des maîtres de l’heure.

Le marquis Ito, chef suprême de l’administration du territoire occupé ou du protectorat, pour employer le terme officiel, est un homme d’État dont une longue expérience rehausse encore les belles aptitudes. Depuis sa plus tendre jeunesse, il participe aux mouvemens politiques du Japon. En lui, le régime constitutionnel a trouvé un de ses plus fermes artisans. Son aventureux voyage en Europe, tenté à une époque où les Shoguns punissaient de la peine capitale entreprise semblable, a été souvent narré. Sa connaissance des institutions occidentales, lors de la grande crise nationale, lui ouvrit le chemin des honneurs publics. Tandis qu’il revient d’un court voyage, en 1864, et que l’escadre des puissances alliées bombarde Shimonosaki, il est choisi, grâce à sa connaissance de l’anglais, pour conférer avec les autorités japonaises, mission dont il s’acquitte du reste sans succès. Mais plus tard, sous Inoue, le plus ardent des radicaux, il collabore à la chute des Tokùgawa, au renversement de Shogùnat. Préfet, vice-ministre, il s’emploie à réorganiser la patrie. Aussi, de par l’assassinat du célèbre homme d’État Okubo Toshisnichi, dont le souvenir est resté vivant, le voilà chef indiscuté des progressistes. Il représente le Japon à la conférence de Tien-tsin et signe le traité avec la Chine. Il rédige la constitution nippone, négocie en 1895 la convention de Shimonosaki, est appelé par l’Empereur en 1901 à la présidence du conseil privé. Quel que soit le parti au pouvoir, ses avis sont toujours sollicités et écoutés, lorsqu’une décision grave pour le bien du pays doit être prise. Le marquis Ito est universellement respecté. Réservé, d’un caractère modéré, haïssant les phrases vides et les formes vaines, les qualités de sincérité qu’il possède, si rares en Extrême-Orient, y sont particulièrement prisées.

Le difficile de la tâche, maintenant assumée par le marquis Ito, résident général en Corée, est de recruter en nombre suffisant des administrateurs compétens et intègres, capables d’appliquer aux hommes et aux faits les ordres partis de lui. Le problème supposé résolu, la situation en elle-même est susceptible de bien des embarras. L’hostilité de la population n’est nullement dissimulée. De toutes les façons possibles, le pays a exprimé son mécontentement. Les rigueurs des conquérans éveillent un sempiternel concert de plaintes. Les journaux re-