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Chambre, ni la majorité qui avait subi une pression extérieure, ni le gouvernement qui avait commis une lâcheté ; mais on comptait sur le Sénat pour réparer le mal qui venait d’être fait. Le mode électoral du Sénat lui donne plus d’indépendance qu’à la Chambre, et il a un souci plus constant des grands intérêts du pays. La Chambre se croit obligée de faire des manifestations : elle laisse à d’autres le soin d’en arrêter les suites. Mais le jeu est périlleux pour deux motifs principaux. Le premier est que la force de résistance du Sénat est limitée et qu’il n’est pas sans inconvéniens de la mettre trop souvent à l’épreuve ; le second est que les manifestations de la Chambre, à force de se renouveler, habituent le pays à croire possible ce qui ne l’est pas, le font vivre dans des espérances chimériques et, finalement, le démoralisent. Alors viennent les exigences et les impatiences qu’il est impossible de retenir après les avoir déchaînées, et qui malheureusement trouvent toujours des majorités et des gouvernemens pour les satisfaire. Il nous importe assez peu, malgré les arguties de M. le ministre de la Guerre, que les périodes militaires soient réduites dès cette année, ou seulement l’année prochaine. Nous voudrions qu’elles ne le fussent pas, ou qu’elles ne le fussent qu’à bon escient ; mais nous ne conservons à cet égard aucune espérance. Il aurait fallu défendre la place, au lieu de parlementer et de ruser autour de la porte. Après avoir diminué la durée du service actif, les Chambres entament maintenant la durée du service dans la réserve. Le premier pas est fait, ce ne sera pas le dernier.


Des incidens se sont produits sur la frontière de l’Algérie et du Maroc : hâtons-nous de dire que la presse en a exagéré l’importance. Les incidens de frontière peuvent être plus ou moins sérieux, ils ne sont jamais bien inquiétans. Il s’en est produit souvent depuis le traité de 1845 ; nous en avons l’habitude, on peut même dire la pratique, et nos officiers sont habitués à les régler. En pareil cas, il faut faire le nécessaire, mais rien de plus. Le danger ne commencerait que le jour où on voudrait profiter d’un incident de frontière pour amorcer toute une politique d’action : nous sommes convaincus que rien de pareil n’est à redouter aujourd’hui.

Les journaux ont reproché au gouvernement, non pas d’être trop actif, mais de ne pas l’avoir été assez. Nous ne nous associerons pas à cette critique, qui ne nous paraît pas fondée : le gouvernement en mérite une autre, que nous lui ferons dans un moment, mais non pas celle-là. Au mois d’août dernier, M. le gouverneur général de l’Algérie, dont on ne saurait trop louer la vigilance, a signalé à Paris