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manque pour les étudier aujourd’hui aussi longuement que je l’aurais voulu, et je vais devoir me borner à les énumérer, avec l’espoir de trouver peut-être, un jour, l’occasion de revenir sur quelques-uns d’entre eux.

C’est ainsi que1 M. Ford Madox Hueffer ne manquera point, j’imagine, de compléter par un troisième roman la reconstitution qu’il a entreprise de la dramatique et touchante aventure de Catherine Howard[1]. Rendant compte ici, il y a deux ans, d’une savante étude du major Martin Hume sur les Femmes d’Henri VIII, j’exprimais le souhait qu’un historien s’employât bientôt à nous révéler la figure véritable de la plus belle, et probablement de la plus sympathique, des six femmes du « Barbe-Bleue anglais. » C’est un romancier qui s’est chargé de ce soin : mais combien il y a employé d’érudition, de scrupuleuse conscience, et, en même temps, de talent poétique ! Les deux volumes publiés jusqu’à présent par M. Hueffer, La cinquième Reine et Le Garde du Sceau privé, sont des œuvres parfaitement exquises, avec l’éclat et la richesse pittoresques de leur décor, la piquante saveur un peu archaïque de leur langue, mais surtout avec l’incomparable beauté corporelle et morale de l’héroïne que l’auteur nous y fait voir courant, d’une démarche légère et le sourire aux lèvres, vers la catastrophe tragique de sa destinée. De toute la personne de cette jeune fée, de ses actes comme de ses paroles, de ses prières comme de ses chansons, et du merveilleux sourire qui la traduit tout entière, se dégage un parfum si fort de douceur féminine et de séduction que le spectateur du drame est tenté de n’avoir d’yeux que pour elle : et cependant, à côté d’elle, les figures de l’énorme roi, du garde des sceaux Cromwell, de l’évêque Cranmer, sont peintes aussi avec un relief et une couleur remarquables. Le second roman, en particulier, Le garde du Sceau privé, atteste, chez M. Ford Madox Hueffer, une très précieuse combinaison des qualités essentielles de l’historien et du romancier. Puisse un troisième volume achever dignement cette trilogie, de manière à enrichir la littérature anglaise d’un excellent roman historique, et à réhabiliter, du même coup, la mémoire d’une belle jeune femme dont le seul crime semble bien avoir été son attachement à « l’idolâtrie de la Grande Babylone ! »

  1. The Fifth. Queen et Privy Seal, par F. Madox Hueffer, deux volumes. Londres, librairie Alston Rivers, 1906 et 1907.