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le livre, une place infiniment trop grande, jusqu’au moment où l’auteur se décide enfin à la congédier, pour ne laisser désormais en notre présence que les seules figures qu’il nous importe de connaître. Mais si ce roman est mal composé, je ne saurais dire avec quelle intelligence pénétrante Mme Ward y a traité plusieurs des points les plus graves du problème religieux d’aujourd’hui, ni avec quelles admirables simplicité et franchise littéraires elle a dessiné les deux figures dont l’opposition symbolise le contraste des deux courans actuels du sentiment catholique. Considéré au point de vue artistique, ce gros livre, de même que l’Horizon lointain de Mme Malet, est une œuvre manquée ; mais peut-être toute la littérature anglaise contemporaine ne nous offre-t-elle point d’autre exemple aussi remarquable d’une utilisation des ressources et de la portée du roman pour le développement d’une idée religieuse.

Le sujet de ce roman, vieux déjà de plus d’une année, est, au juste, la question du « modernisme. » Un écrivain anglais récemment converti à la foi catholique, homme d’un savoir, d’une puissance de pensée, et d’un talent d’expression supérieurs, a écrit un traité d’apologétique où il proclame le devoir, pour l’Eglise, de s’accommoder aux tendances de la pensée moderne. Condamné par son évêque, il fait appel à l’autorité du Pape ; et lorsque la Cour romaine, à son tour, l’a condamné, il refuse de se soumettre, renonce violemment au catholicisme. Il avait près de lui, durant toutes les phases de sa lutte, une jeune sœur qui partageait ses espérances, et l’encourageait de son tendre amour : mais à présent, au lieu de le suivre encore dans sa rébellion, cette jeune fille se résout à sacrifier son propre bonheur, afin de racheter la faute de son frère. Elle se sépare d’un fiancé qu’elle adorait, emploie ses dernières années à la mortification et aux bonnes œuvres ; et Dieu, après l’avoir rappelée à lui, finit par la récompenser de son sacrifice, car le « moderniste » révolté revient à la foi. Non pas que le frère ni la sœur soient jamais contraints à reconnaître la fausseté de leurs opinions, ou du moins à se repentir de l’intention vraiment pieuse qui les leur inspirait ; mais tous deux consentent à admettre qu’ils ne sauraient être juges de l’« opportunité » de réformes dont les conséquences pratiques échappent, forcément, à nos yeux mortels.

Telle est l’intrigue du roman. J’ajouterai que la conduite de