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impossible de souhaiter un plus brave homme, plus généreux et plus délicat, aussitôt que sa passion cesse d’être en jeu. Quant à l’autre, le jeune Alston, je dois avouer que celui-là a l’âme beaucoup plus noire, et que l’on aurait peine à découvrir, dans le roman ou dans la vie, un coquin plus complet : mais combien, avec cela, ce coquin est poli et tendre, combien il ajoute d’élégance artistique à son ignominie !

C’est là un genre de roman qui ne satisfait point tous les goûts : trop frivole, suivant les uns, tandis que d’autres le jugent affecté, et d’un art trop savant. Mais ceux qui l’aiment sauront gré à M. Watson des heures charmantes que leur procurera la lecture des Corsaires. Tout au plus regretteront-ils que le conteur anglais se croie plus ou moins tenu, par sa conscience de poète et de lettré, à garder une réserve excessive en présence de ses personnages, au lieu de se livrer pleinement à eux, comme le faisait son maître Stevenson. Car toujours on devine qu’il redoute, pour ainsi dire, de paraître dupe de ses inventions. « N’oubliez pas que ce que je vous raconte n’est pas absolument vrai ! » semble-t-il nous murmurer, dans tels tours de phrase d’une préciosité délicieuse, mais inutile, ici, et un peu gênante. Par où il nous fait voir, lui aussi, ce manque de naturel qui est décidément la grande maladie de tous les romanciers anglais d’à présent, et qui comporte, entre autres symptômes, un besoin de rappeler au lecteur que l’auteur n’invente et ne développe ses récits que pour s’amuser. Heureux, du moins, l’auteur des Corsaires, de réussir à nous amuser autant qu’il s’amuse lui-même !


II

A côté de ce « roman d’aventures littéraire, » le roman religieux a toujours été un genre essentiellement anglais, se poursuivant sans cesse, de génération en génération, dans la littérature nationale. Cette année encore, la production du roman religieux a été abondante et diverse : toutes tes nuances de l’opinion anglaise y ont trouvé, une fois de plus, de zélés défenseurs, depuis le papisme le plus orthodoxe jusqu’aux limites extrêmes de l’agnosticisme, en passant par cette forme particulière du protestantisme qui consiste, uniquement, à dénoncer les erreurs et les crimes de l’« idolâtrie romaine. » Mais je n’ai pas eu la chance de rencontrer, parmi les nombreux romans