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l’avenir de l’Algérie s’en sont en effet alarmés et ont proposé des remèdes. La loi de 1889 et son système de naturalisation automatique ont été vivement critiqués ; le conseil général d’Oran, a même émis un vœu pour en demander l’abrogation. On allègue, non sans raison, que pour obtenir la naturalisation, il faut la mériter, tout au moins la demander, et que ce n’est point assez de ne pas la refuser ; le droit de cité devrait être une récompense. On avait cru faire des Français, on n’a fait que des citoyens qui jouissent de tous les droits civils et politiques des Français, mais qui n’ont acquis aucun des traits du caractère ni de l’esprit national. On a proposé de pallier les inconvéniens de la loi de 1889 en créant une sorte de naturalisation à deux degrés. La première génération née en Algérie ne jouirait que des droits civils des Français, sans les droits politiques : ce serait, comme dans l’ancien droit romain, la civitas sine suffragio. De fait, la législation de 1889 semble bien avoir eu des conséquences dangereuses, mais il serait peut-être plus dangereux encore de l’abroger. N’en résulterait-il pas, parmi les étrangers, un mécontentement qui les éloignerait à jamais de la France ? Ils n’ont pas démérité, et il y aurait injustice, et aussi imprudence, à paraître les tenir en suspicion.

Les Espagnols sont ardens au travail, sobres, économes ; ce sont eux qui ont défriché les belles plaines du Sig, de Mascara, de Bel-Abbès, et qui y ont apporté les méthodes d’irrigation et de culture qui font de la huerta de Valence l’un des vergers les plus fertiles du monde. Les gens des Baléares, que l’on désigne sous le nom de Mahonnais, sont de merveilleux jardiniers, c’est à eux en grande partie que l’Algérie doit la réputation de ses primeurs. En Algérie, surtout dans cette Oranie qui fait face à leurs côtes et où jadis leurs rois ont construit des forts qui portent encore leurs armes et fondé des colonies, tous ces Espagnols se croient chez eux ; ils s’y plaisent parce qu’ils y trouvent une vie facile, un gouvernement policé, du travail et des terres. Ils s’attachent peu à la France qu’ils ne connaissent pas ; leur imagination se plaît aux souvenirs de la vieille et glorieuse Espagne des temps de la reconquista ; mais ils sont avant tout Algériens, et si quelques-uns espèrent voir le relèvement de leur ancienne patrie et le renouveau de son expansion dans l’Afrique du Nord, la plupart se contentent de travailler en paix et de s’enrichir. Les Italiens, moins nombreux en