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On voit combien, pour 4 millions et demi d’indigènes musulmans, le crédit était faible et le nombre des salariés restreint. En réalité, l’organisa lion reconnue et payée par l’Etat français ne s’étendait qu’aux grandes mosquées des villes. Supprimer ce chapitre du budget n’atteindrait pas la vie religieuse musulmane dans ses sources vives, ni dans son organisation, ni dans sa hiérarchie. Est-ce à dire qu’il ne serait pas déplorable et, dans une certaine mesure, dangereux, sous prétexte de séparation des Églises et de l’Etat, de retirer au clergé musulman les traitemens et les subventions que nous lui donnions ? En aucune façon. Il y a d’abord là, pour la France, quel que soit son gouvernement, une question de bonne foi, de fidélité à la parole donnée. L’arrêté du 7 décembre 1830 qui faisait passer à l’Etat français la propriété des biens de mainmorte, dits « biens habous, » disposait qu’en échange de cette mainmise, l’Etat français subviendrait aux besoins du culte musulman. On allègue que la capitulation d’Alger, dont l’arrêté de 1830 est une suite et une conséquence, ne s’applique pas à toute l’Algérie, que d’ailleurs les clauses de la capitulation ont été dix fois annulées et rendues caduques par les insurrections et les manquemens des indigènes à la foi jurée. Il est trop facile de répondre que, si, en droit strict, le gouvernement français peut être recevable à contester sa dette, en pratique, le fait même de la payer, depuis soixante-dix-sept ans, était une manière implicite de la reconnaître. L’argument est à deux tranchans et s’applique au même titre aux engagemens pris par l’Etat français vis-à-vis du clergé catholique spolié de ses biens par la Révolution ; mais du moins, en France, peut-on soutenir, avec une apparence de raison, que la dette contractée vis-à-vis du clergé par la Constituante et garantie par le Concordat devait naturellement s’éteindre avec la rupture du Concordat et par l’expression d’une volonté nationale différente ; or, la fiction du régime parlementaire veut que les Chambres représentent la volonté nationale. Les catholiques d’ailleurs ont pu, dans la mesure où le peuvent les minorités, défendre leurs droits, tandis qu’ici il s’agit de populations soumises à la France par la force des armes et envers lesquelles, même si l’on considère que nous leur avons rendu en dépenses d’hôpitaux, d’écoles, d’assistance, beaucoup plus que la valeur des habous confisqués, le respect de la parole donnée devrait être d’autant plus sacré qu’elles sont plus complètement sous