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et le prophète qui s’éloigne tranquille en la nuit des espaces. O petites lumières amies que le bon père Dieu a posées le long de la route jusqu’à sa maison hospitalière !

« Au-dessus de lui, dans les déserts lointains, le méchant Scorpion se promène, et là le Chien court avec son aboiement solitaire. Le Lion et les Ours y ont leur demeure. Mais ils ne font point de mal aux coursiers de Dieu.

« Le feu sort de leurs naseaux ; le feu court dans leurs jambes ; ils galopent allègrement par l’immensité et atteignent la voie lactée, cette belle allée qui mène à la porte du Paradis.

« Et le Seigneur sort sur son perron sculpté : « Entrez donc, ô mon saint Prophète. » Et il fait signe à un ange, son valet, qui arrive alerte et vif, et conduit au pâturage les bêtes essoufflées. »

Petit poème délicieux où, comme le Dieu d’Elie, le poète fait monter le peintre campagnard dans la carriole étincelante de sa fantaisie, et l’emporte, tel qu’il est, avec ses pots de peinture et ses pinceaux, un peu plus haut, que les fjells de son pays. Parfois il le dépose en route au flanc d’une colline et continue son voyage tout seul. La peinture n’a été pour lui que l’occasion d’un rêve. Ne regardez pas la Vierge Marie sur les images de Jansson. Vous pourrez la rencontrer sur les chemins de la Dalécarlie, petite madone paysanne, sérieuse, pensive, les yeux pleins de songe et de längtan ; mais écoutez plutôt Karlfeldt :

« Elle vient dans les prairies… C’est une petite Dalécarlienne au teint de fleur d’amande. Oui, comme une fleur d’amande ou comme une églantine éclose loin de la route et du village, là où il n’y a ni monde ni poussière. Quel sentier as-tu suivi pour que le soleil ne t’ait point brunie ?… Tes cheveux découverts brillent étrangement. Ton front est pareil à la courbe de la lune… Maintenant le vent du soir fraîchit parmi les rangées d’ancolies. Et les cloches jaunes des lys sonnent le dimanche et la paix… C’est l’heure où les jeunes gens et les jeunes filles de Dabarna vont deux par deux… Pourquoi vas-tu seule et songeuse ? Tu ressembles à la jeune fille venue de sa première communion, qui veille dans la nuit silencieuse de la Pentecôte et pense, en la crainte de son cœur, aux paroles entendues et au miracle goûté. Retourne, retourne. Marie, le soir avance et ta mère devient chagrine quand tu chemines si solitaire. Tu es petite et fragile comme les branches de saule qu’un souffle brise. Et dans