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dès le mois de janvier 1907, en réponse à une question sur l’état de son pays, qu’il s’affligeait de l’excès de prospérité que l’on célébrait à l’envi de toutes parts. « Nous ne savons comment suffire à l’accroissement des affaires, me disait-il. Je suis administrateur d’une société d’électricité dont, les commandes en 1906 avaient déjà dépassé de plus de 30 pour 100 celles de 1905 ; et voici que le premier mois de 1907 dépasse de 40 pour 100 celui de 1906. Nos chemins de fer ne savent comment transporter les marchandises qu’on leur remet ; si nos récoltes sont bonnes, nous n’aurons pas assez de wagons… » Et il concluait par l’exclamation pittoresque : « Dieu nous garde de la prospérité ! » me rappelant ainsi l’époque célèbre où, vers la fin du XIXe siècle, les budgets américains présentaient des excédens dont le Congrès ne savait que faire.

Le seul emploi raisonnable de ces ressources eût consisté à abaisser ou à supprimer les droits de douane ; mais les manufacturiers s’y opposaient de toutes leurs forces et s’y opposent encore aujourd’hui : le président Roosevelt, dans son message du 3 décembre, déclare que, si les tarifs peuvent être révisés, le principe doit en être maintenu. L’Amérique protectionniste se désolait alors de ces malencontreux surplus, comme on les appelle à Washington, qui donnaient de la force aux argumens libre-échangistes. Aujourd’hui, la politique impérialiste se charge de leur trouver un emploi. Il est d’ailleurs vraisemblable que la restriction des dépenses particulières amènera une diminution dans le chiffre de millions produits par les recettes douanières qui résultent de l’entrée de produits étrangers.

Mais si nous devons nous attendre à voir pour quelque temps les importations diminuer aux Etats-Unis, il n’est pas probable qu’il en soit de même pour les exportations. Les récoltes de 1907 ont été belles : la partie qui en sera expédiée au dehors augmentera encore les soldes créditeurs de l’Amérique en Europe et lui permettra de garder l’or qui, sous l’influence des demandes dont nous avons expliqué l’origine, afflue à cette heure chez elle. La richesse agricole du pays est énorme, et, si le spéculateur de Wall Street, — qui correspond à New-York à ce qu’est la Cité pour Londres, — a cruellement souffert, le fermier de l’Ouest, du Centre, du Sud, est en meilleure situation que jamais : les chiffres des dépôts dans les banques d’un grand nombre d’Etats l’attestent.