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pour en annoncer le maintien à ce niveau pendant une longue période. La fragilité de leurs affirmations ne tarda pas cependant à apparaître : sans motif apparent, le recul se produisit. On annonçait de divers côtés que les demandes se ralentissaient, que les gros consommateurs, comme la Société générale américaine d’électricité, ne s’approvisionnaient pas et vivaient au jour le jour en achetant strictement ce qui leur était indispensable pour leur travail quotidien. La baisse, d’abord lente, prit bientôt une allure foudroyante : en octobre 1907, le prix du cuivre était la moitié de ce qu’il avait été au mois d’avril précédent. La chute du métal entraînait celle de toutes les actions de mines de cuivre et des sociétés intéressées dans ce genre d’affaires : celles de l’Amalgamated Copper, le trust cuprifère qui domine le marché aux États-Unis, tombèrent de 110 à 44, celles du Rio Tinto, la plus grande mine de cuivre européenne, de 2 700 à 1 600 francs, et les autres à l’avenant.

A côté de ces entreprises sérieuses, existant depuis longtemps, il s’en était, à la faveur de la hausse, formé d’autres. La United Copper Company, créée pour réunir un certain nombre de propriétés cuprifères du Montana, avait été constituée au capital de 80 millions de dollars, plus de 400 millions de francs ; elle ne publiait, selon la mode américaine, que des bilans sommaires dans lesquels il était impossible de trouver les élémens d’une évaluation sérieuse de l’actif social. Néanmoins, grâce à l’engouement général, le cours des actions privilégiées avait pu un moment atteindre le pair et celui des actions ordinaires environ 75 pour 100, lorsque soudain, au mois d’octobre 1907, des offres de ces titres se produisirent sur le marché de New-York sans y trouver de contre-parties, c’est-à-dire d’acheteurs. En peu de jours, les actions privilégiées furent précipitées à 25 et les actions ordinaires à 10 dollars.

En même temps le bruit se répandait qu’une société financière importante, l’une des plus anciennes, la Knickerbocker trust Company, avait fait des avances considérables sur des actions de la United Copper Company, que les emprunteurs se trouvaient dans l’impossibilité de rembourser : d’où embarras extrême pour la première société. Les cliens de celle-ci se précipitent alors en foule aux guichets et réclament tous à la fois la restitution de leurs dépôts, dont le total n’est pas inférieur à 67 millions de dollars, soit 345 millions de francs.