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vantée de n’avoir, « de sa vie, porté une robe de chambre[1]. » C’était l’une de ses prétentions, bien innocente du reste, mais qui nous montre combien il faut se défier des petites histoires de Liselotte.

Le lendemain était le jour des noces : « On me fit passer par une grande presse pour entrer dans la chapelle où la cérémonie du mariage se devait faire, où le Roi avait commandé qu’on me devait donner une tribune pour la voir. » La duchesse Sophie s’empressa de chercher dans l’assistance les acteurs d’une pièce qui intéressait infiniment plus le public que le mariage de Mademoiselle. Trois femmes, sans compter la Reine, se disputaient alors le Roi : Mme de Montespan, Mlle de Fontanges et Mme de Maintenon, et chacun aurait voulu lire sur leurs visages où en étaient leurs affaires. Celles de Mme de Montespan allaient évidemment mal, car elle avait couvert sa jolie tête, non pas des cendres de la pénitence, mais de « la coiffure de modestie des dévotes[2]. » La duchesse Sophie l’aperçut au premier rang d’une tribune, « dans un fort grand négligé, avec des coiffes brodées, dans un morne chagrin de voir triompher une plus jeune qu’elle. » Cette « plus jeune » paraissait au contraire des plus gaies : « Au même rang, assez éloignée d’elle, je vis Mlle de Fontanges, fort avantageusement mise, avec son bréviaire à la main qui lui servait de contenance pour jeter les yeux en bas sur le Roi, qu’elle aimait sans doute plus que le Roi des Rois ; ce qui n’est pas étonnant, car il est fort aimable. » Louis XIV ne demeurait pas en reste. Il levait la tête à tout instant, et regardait Mlle de Fontanges « avec plus de dévotion que l’autel. » Le nez baissé il s’ennuyait, et alors « il ouvrait la bouche et fermait les yeux. » Cependant la bonne Marie-Thérèse suait à grosses gouttes dans une robe « d’une broderie plus pesante que celle qu’on met sur les housses des chevaux, » et Mme de Maintenon, — en supposant qu’elle y fût, — avait pris ses mesures pour passer inaperçue.

Dans l’après-midi, la duchesse eut la visite du Roi. Ce ne fut pas leur seul entretien, et la tante fut séduite, comme l’avait été la nièce, par un charme auquel nous sommes obligés de croire, puisque l’une et l’autre le subirent, mais que l’on n’aurait jamais deviné d’après les portraits officiels de Versailles,

  1. Lettre du 5 mars 1693 à la Raugrave Louise. Trad. Brunet.
  2. Note de M. A. de Boislisle au mot coiffe. Mémoires de Saint-Simon, gr. éd., XII. 43.