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Monsieur la retint, lui disant « qu’il fallait encore voir la fin… Cette fin était que toutes ces princesses défilèrent l’une après l’autre en faisant de grandes révérences au Roi et à la Reine ; enfin la Reine se tourna aussi vers le Roi, et lui fit une grande révérence et s’en alla. Comme elle était partie, le Roi se tourna vers moi et me fit un compliment le plus obligeant du monde, me faisant connaître la considération qu’il avait pour la maison de Brunswick et particulièrement pour M. le duc mon mari… Il me dit aussi qu’il pouvait donner ce témoignage à Madame, qu’elle m’aimait passionnément, qu’il avait voulu lui rendre ce bon office de me le dire. » Après quelques autres complimens, le Roi la salua et la quitta : « Il s’en alla d’un côté et moi de l’autre. »

On fut ensuite à la comédie. « La maison royale… était assise en bas, vis-à-vis du théâtre. » Mme d’Osnabruck fut placée sur une estrade d’où elle découvrait toute la salle : « Je trouvai tant de gens à considérer, que je ne prenais pas garde aux comédiens… La presse… était fort grande et la chaleur épouvantable, et je trouvais que les plaisirs de la cour de France sont mêlés de beaucoup d’incommodité. On buvait de la limonade pour se rafraîchir. » La représentation terminée, la duchesse Sophie soupa, non point chez sa nièce, ainsi qu’il eût été naturel, mais dans sa chambre, loin de tout le monde. L’impossibilité de concilier le protocole allemand et le protocole français avait abouti à cette sorte de mise en pénitence.

Elle avait à peine entrevu Madame. Malgré l’heure avancée, la duchesse se rendit chez sa nièce au sortir de table, et fut ainsi l’occasion d’une scène de haute comédie, qui achève de fixer la physionomie de Monsieur : « Je la trouvai en robe de chambre, et Monsieur aussi, avec un bonnet de nuit attaché (par) un ruban couleur de feu, qui accommodait des pierreries pour Madame, pour lui-même et pour ses deux filles. » Etre vu en bonnet de nuit était un horrible malheur pour Monsieur, et il ne sut point le cacher : « Il était fort honteux de se montrer en cet état devant moi, et tournait toujours la tête de l’autre côté, mais je l’apprivoisai en l’aidant à ajuster ses pierreries, et je lui accommodai une attache pour son chapeau, dont il parut fort content. Après avoir fait un ouvrage de cette conséquence, je pouvais dormir en repos, et je me retirai pour m’aller coucher. » Si Madame avait prévu que sa tante écrirait ses Mémoires, elle ne se serait pas tant