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de vue son intérêt propre, celui de sa politique générale à laquelle on aurait imprudemment ouvert un nouveau champ d’exercice. Compléterait-on la comédie en leur faisant signer un protocole de désintéressement ? Mais nous renvoyons au beau discours de M. Deschanel ceux qui conserveraient des doutes à ce sujet. Ils en apprécieront la lumineuse ordonnance, la sagesse, la prudence, et, sur ce point spécial, la netteté et la vigueur. M. de Castellane voudrait nous ramener en arrière ; M. Jules Delafosse voudrait nous pousser en avant. Son discours est assurément celui d’un patriote qui connait fort bien les détails de la question qu’il traite ; mais celui de M. Deschanel est en outre le discours d’un politique qui n’en méconnaît pas les périls et qui s’efforce d’enfermer notre action dans de justes limites.

C’est ce que M. Ribot a fait à son tour : il a d’abord intéressé, puis attaché, puis entraîné la Chambre entière, y compris le gouvernement qui multipliait les signes d’adhésion et les applaudissemens. A la fin de son discours, il n’a eu qu’à prendre acte de l’approbation de M. le président du Conseil et de M. le ministre des Affaires étrangères, approbation qui avait l’air d’être sans réserves, mais qui, peut-être, ne l’était pas tout à fait. M. Ribot a rappelé à grands traits les derniers événemens : il a recherché les causes plus lointaines qui auraient peut-être permis de les prévoir en partie, de s’y mieux préparer ou de les prévenir. Mais, au point où nous en sommes, les faits antérieurs n’ont d’intérêt que s’ils servent à mieux comprendre la situation présente et à déterminer plus sûrement la conduite à suivre. Avons-nous besoin de dire que c’est à cela que s’appliquent les préoccupations de M. Ribot ? Il s’est demandé quelle devait être notre attitude en présence des troubles intérieurs du Maroc, et il a conclu que nous devions éviter avec le plus grand soin de nous y laisser engager. La Chambre a applaudi, les ministres aussi. Alors, pour donner, sous une forme pittoresque, plus de précision à ses conseils, M. Ribot, parlant des deux frères ennemis qui se disputent la couronne chérifienne, a dit : « Je suis absolument opposé à ce que nous jouions à ce petit jeu qui consiste à faire une mise sur un des sultans, comme ou fait, en Angleterre une mise sur un cheval, sauf à dire, si on perd, qu’on a mal placé sa mise. » Là, en effet, est aujourd’hui la question. Que devons-nous faire entre Abd-el-Aziz et Moulaï-Halid ? Nous ne connaissons que le premier, cela va de soi ; il nous a appelés à Rabat, et nous avons bien fait d’y accourir ; mais il nous a demandé notre concours politique, financier et militaire, et il s’agit de savoir dans quelle mesure nous devons le lui donner. Tel est le