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laquelle ont pris part un grand nombre d’orateurs, dont les principaux ont été, — nous les prenons dans l’ordre où ils se sont succédé, — M. Boni de Castellane, M. Deschanel, M. Delafosse, M. Ribot, et enfin M. le ministre des Affaires étrangères, a été trop importante pour qu’il nous soit permis de n’en rien dire. Le Livre jaune qui venait d’être distribué nous avait apporté quelques lumières sur les événemens de Casablanca et sur leurs conséquences immédiates ; mais la question de l’avenir restait fort obscure, et nous n’osons pas dire que le débat l’ait tout à fait éclaircie. Ce n’est pas la faute des orateurs, c’est celle de la question elle-même, qui continue d’enfermer des élémens encore mal déterminés. Nous restons à la merci de beaucoup de hasards et de surprises. Tout le monde s’en rendait compte à la Chambre, et, comme on avait de part et d’autre abdiqué l’esprit de parti pour ne rechercher, en toute loyauté, que l’intérêt du pays, on n’a pas trop pressé M. le ministre des Affaires étrangères : on ne lui a pas demandé plus qu’il ne pouvait dire ; on s’est contenté de l’interroger sur la direction générale de sa politique, tout en le laissant libre de ses déterminations ultérieures. On avait le sentiment que si quelques fautes avaient été commises, — et qui n’en aurait pas commis dans une situation aussi difficile ? — le gouvernement avait montré, dans l’ensemble de sa conduite, une prudence qui méritait qu’on lui en sût gré. Puisse-t-il seulement y persévérer !

Les thèses les plus diverses, les plus opposées, ont été apportées à la tribune. M. de Castellane, par exemple, est partisan de l’internationalisation du Maroc, et M. Paul Deschanel en est l’adversaire. La partie de son discours où M. Deschanel a combattu cette solution, qui est le désaveu de toute notre politique, a fait grande impression sur la Chambre, et, à notre avis, c’est la plus forte. Il est impossible de mettre mieux en relief que ne l’a fait l’orateur les dangers qui résulteraient pour nous de ce qu’on appelle l’internationalisation du Maroc : ce serait mettre sur le flanc occidental de l’Algérie l’Europe et l’Amérique réunies, avec leurs divisions et leurs intrigues, avec leurs vues divergentes et leurs ambitions particulières. Les expériences, déjà nombreuses, que nous avons eues du concert européen semblaient pourtant de nature à désillusionner ceux qui prennent ce vocable pour une réalité. Le concert européen ne s’est même pas manifesté à La Haye ! Si on voulait confier le Maroc à l’Europe tout entière, en lui demandant de le prendre à sa charge, la plupart des puissances déclareraient tout de suite qu’elles s’en désintéressent : quant aux autres, il pourrait se faire qu’elles s’y intéressassent trop, mais aucune n’y perdrait