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l’accroissement de la criminalité reprit immédiatement son cours.

Ce qui est non moins saillant que le développement de La criminalité, c’est la transformation de plus en plus accentuée du crime grossier, facilement attribué à l’ignorance et à la misère, en une criminalité d’apparence trompeuse, courant après le superflu, appelant à elle les déclassés de toutes les sphères.

Sur le fond de celle criminalité d’allure moderne, profitant plus vite que la police et que la justice des inventions les plus ingénieuses, reparaît d’ailleurs et grandit à nouveau une criminalité violente et sauvage, pleine de ce mépris de la vie humaine qu’on retrouve dans les progrès parallèles du suicide.

Ce mélange d’adresse et de violence, de ruse et d’audace a pour conséquence une impunité croissante, et les pouvoirs publics ont de plus en plus de peine à découvrir les délinquans.

Cette criminalité enfin est de plus en plus précoce, et cette précocité tient à un affaiblissement des liens de famille, auquel le divorce prend une part toujours grandissante.

Sont-ce là, dira-t-on, toutes les données d’un tel problème ? Que faites-vous des données fournies par l’organisation individuelle ? Je ne les nie pas. Mais, outre qu’on est bien obligé de circonscrire chacune de ses Études, voici ce que je répondrai.

Assurément, quiconque veut s’orienter dans ces problèmes et arriver à des conclusions claires, doit être convaincu qu’il n’est point d’auteur d’un acte criminel qui n’ait agi dans des conditions extrêmement complexes. Que le juge et l’avocat les débrouillent, s’ils le peuvent ! Ils y trouveront les conditions physiologiques de sa conformation et de son tempérament, les conditions physiques du terroir où il a grandi, de la saison dans laquelle il a été plus violemment tenté : ils trouveront les conditions sociales que lui faisaient sa richesse ou sa pauvreté, la densité ou la rareté de la population qui l’entourait : les dangers de sa profession viennent ensuite.

Mais qui donnera jamais la formule de l’équation ? Qui précisera les conditions de toute nature qui, par leur nombre, par leur mode de groupement, leurs réactions mutuelles, équivalente un penchant irrésistible au crime ? Ce qu’il importe de se rappeler en face de ces difficultés, ce sont deux vérités dont l’une nous commande un souci vigilant de la répression nécessaire, dont l’autre nous convie tous au sentiment de notre responsabilité personnelle et à la pitié envers ceux qui ont failli.