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sont accomplis par suite « d’accès d’ivresse et d’ivrognerie habituelle. » La génération présente est donc plus sensible à la douleur corporelle et plus facile, — dirons-nous dans le choix ? pas précisément, — mais dans l’acceptation et l’accoutumance des consolations grossières. Il est difficile de se soustraire à de pareilles conclusions, où se rejoignent, pour ainsi dire, les enseignemens du crime et ceux du suicide. Aurions-nous devant nous, non un organisme secoué par des crises violentes avec une énergie qu’on peut se flatter de redresser et de tourner à des fins plus nobles, mais un organisme vicié et anémié ?

Que devons-nous maintenant nous demander, sinon qu’elles paraissent être les causes de ces modifications dans l’époque présente ? Qu’on le remarque bien, nous n’abordons pas ici, dans son ampleur parfois déconcertante, l’éternel problème du mal moral, de ses origines profondes, de la part qu’y ont les causes physiques, les causes ethniques, la complicité des classes responsables, le libre arbitre de chacun. Nous voudrions seulement, — et ceci est déjà très délicat, — bien éclaircir ce que les faits de la période contemporaine nous fournissent de données pour la solution graduelle de ce problème compliqué.

D’abord, il faut constater que les accroissemens les plus remarqués affectent des ressorts judiciaires très éloignés les uns des autres et très différens à beaucoup d’égards. Les recherches statistiques de 1905 signalent, par ordre d’augmentation croissante, les ressorts de : Bordeaux (3 pour 100), Montpellier (4,3), Douai (4,7), Rennes (5,8), Poitiers (5,8), Nîmes (6,9)[1].

A titre de commentaire de ces chiffres, on a bien voulu me communiquer quelques fragmens des rapports inédits des chefs de parquet. Voici les explications qu’on y trouve. Ce qu’ils signalent c’est : à Bordeaux, une augmentation des cas d’escroquerie et d’abus de confiance, avec moins de délits de violence contre les personnes ; à Montpellier, des faits de pillage et de destruction provenant des grèves agricoles ; à Douai,

  1. Le ressort d’Aix ne figure point dans ce groupe, — où d’ailleurs les ressorts cités sont comparés à eux-mêmes et non aux autres ressorts. — Mais si on mettait à part la ville de Marseille, on y signalerait un mal qui va certainement en empirant. Des informations officielles, devançant la publication du Compte général, nous apprenaient récemment qu’en 1906, sur 12 000 poursuites de ce genre, on a dû en abandonner 4 000 pour impossibilité de découvrir les auteurs.