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jusqu’en 1900. On en fut tellement surpris qu’on y réfléchit. Cette diminution était-elle bien prouvée ? Plus précisément, pouvait-on croire qu’à la diminution des chiffres donnés correspondît une diminution réelle dans la criminalité du pays ? On avait plus d’un motif de réfléchir et de douter.

En dehors des crimes dits d’accident ou d’occasion, qui constituent des cas individuels, le flot des délits a surtout deux sources : la déviation précoce de la jeunesse mal encadrée, mal redressée, et la paresse découragée de ceux qui, se laissant mettre ou se mettant eux-mêmes en dehors des coopérations sociales, vivent dans le vagabondage et dans la mendicité.

Ce dernier genre de délit, appelé par le savant statisticien délit de paresse et misère, avait singulièrement augmenté. En 1838, il donnait par 100 000 habitans un coefficient de 16. En 1887, il donnait 85 : c’était une augmentation de plus de 500 pour 100. L’accroissement de la criminalité de la jeunesse n’était pas moins alarmant. Dans ce demi-siècle qu’on passait en revue pour le centenaire de 89, cet accroissement était de 140 pour 100 chez les mineurs de moins de 16 ans et de 247 pour 100 chez les mineurs de 16 à 21 ans. De 1889 aux dernières années du siècle, l’ascension ne se ralentit guère, et il y avait là de quoi effrayer tous ceux qui ne se dissimulent pas qu’à une criminalité précoce doit correspondre plus tard une criminalité tenace et difficile à réparer. En chiffres absolus, l’ensemble des crimes et délits des mineurs qui, en 1851, dépassait à peine 21 000, arrivait en 1891 à 36 000, et cependant la natalité baissait, le nombre des enfans nés Français restait stationnaire.

Devant ces deux fléaux, deux genres de mesures furent préconisées et essayées. Du côté du public, désireux de faire son devoir, on multiplia les œuvres, œuvres d’assistance, œuvres d’hospitalité, œuvres de patronage, œuvres de relèvement. Du côté de l’autorité, on se préoccupa de donner satisfaction à certaines tendances dites humanitaires, à déployer moins de rigueur soit contre les faiblesses des jeunes, soit contre la faiblesse des déshérités et de ceux qu’on appelait les invalides de la guerre des classes et de la lutte industrielle.

Passer en revue le premier de ces deux groupes de moyens de défense et en établir l’heureuse efficacité est véritablement superflu, d’autant plus superflu que le caractère dominant de