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analyses. Pour qui sait s’y orienter et s’y retrouver, c’est un avantage ; mais voici une première difficulté qu’il faut résoudre.

Il y a les crimes et délits signalés, — à tort ou à raison, — objets de plaintes, de dénonciations ou de procès-verbaux, de la part du public et de ceux qui ont la double mission de le protéger et de le surveiller, je veux dire des hommes de police et des gendarmes. Il y a d’autre part les crimes et délits retenus et jugés par les magistrats. S’il y a désaccord, qui méritera le plus de créance et qui devra déterminer notre opinion, celui qui souffre des atteintes du délinquant ou celui qui se charge de le punir ?

En réalité, les deux comptes sont faits pour se compléter. Le ministère public ne peut entamer de poursuites et obtenir de condamnations que contre ceux sur qui pèsent des charges suffisantes. Or, souvent le voleur est inconnu alors que le vol ne l’est pas. Le volé, l’incendié, savent bien qu’ils ont été volés et incendiés. L’homme sur qui on a tiré un coup de revolver et qui est ramené blessé en son logis sait bien qu’il a été victime d’un attentat. Le gendarme qui est venu tout de suite et a constaté l’effraction, l’incendie ou la blessure, le sait bien aussi. Où sont les coupables ? Y a-t-il des présomptions suffisantes et suffisamment faciles à dégager contre celui ou ceux que l’on soupçonne ? Ici le ministère public peut hésiter souvent, et souvent il est obligé de s’abstenir. Les deux statistiques sont donc à consulter l’une et l’autre, et, l’on aurait grand tort de s’imaginer que le jugement suffise à nous faire mesurer exactement l’étendue de la criminalité d’un pays. Toutefois, pendant très longtemps on a paru croire que les juge mens avaient seuls une valeur probante. Tout au moins hésitait-on ; et quand M. Alexandre Yvernès voulait nous donner pour la grande Exposition de 1889 le résumé du mouvement criminel au cours du demi-siècle précédent, réunissait-il exclusivement, dans les colonnes de son tableau capital, les accusés et les prévenus jugés à la requête du ministère public : il négligeait tout le reste.

Ce tableau n’avait déjà rien de très flatteur. La colonne principale nous montrait que l’ensemble, parti de 237 par 100 000 habitans, était, en 1887, parvenu à 552 ; et les années saillantes, celles où le mouvement ascensionnel s’était plus particulièrement prononcé, avaient été les années 1847, 1853 et 1881. De 1887 à 1890 la montée continuait.

A partir de 1890, il y eut une rémission inattendue : elle dura