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face des infractions isolées le nombre des récidives qui font monter le niveau apparent de la criminalité d’une région. En des pays voisins du nôtre[1], j’ai pu étudier tel arrondissement où, selon des témoignages précis et concordans, la moralité générale est bonne et où elle est plutôt en voie de s’améliorer encore : la criminalité légale n’en apparaît pas moins au premier abord comme relativement élevée. L’apparence vient de ce qu’il y a là un petit nombre de malandrins de frontière dont chacun collectionne des cinquante et cent condamnations. A eux seuls ils font pencher la balance du mauvais côté ; mais dans quelle mesure ? on doit pouvoir le préciser.

Si par hasard ces distinctions semblaient un peu subtiles ou compliquées, on n’en serait que mieux disposé, je pense, à considérer comme prématurées les comparaisons entre des États dont les systèmes de notation présentent de semblables différences. Si on ajoute que la vigilance de la police et la sévérité de la répression varient beaucoup de peuple à peuple, qu’ici la diminution signalée peut tenir à un relâchement de la sévérité publique, que là l’augmentation peut avoir pour cause un resserrement du frein nécessaire, certainement on sera dans le vrai. La science arrivera plus sûrement aux comparaisons désirables, si elle commence par faire patiemment l’étude de chaque nation en la considérant chez elle, dans son système propre de réactions où les influences malfaisantes et les causes de dépression, mais aussi les forces d’arrêt et les énergies reconstituantes peuvent se laisser ordonner en une formule particulière.

Cherchons donc comment se pose le problème pour nous, Français du XXe siècle.

La première de toutes les données du problème doit être cherchée dans le nombre et dans le nombre mouvant.

Il ne faudrait pas croire qu’il n’y eût ici qu’à se baisser pour ramasser des chiffres exacts et définitifs. Les sceptiques disent que, pour les savans, la statistique est l’art de préciser ce qu’on ignore : d’autres soupçonnent qu’elle pourrait bien être, entre les mains des pouvoirs publics, l’art de dissimuler ce qu’ils ne savent que trop. Les tableaux officiels poussent très loin les

  1. Voyez mon livre la Belgique criminelle, Paris, Lecoffre, in-12.