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les ruses et les iniquités, il fait dire au prince Silvio à propos des damnés : « Ces âmes consumées par la flamme qui devait les éclairer, ce ne sont pas de grands philosophes qui auraient audacieusement mis en doute les vérités de la religion ou de la morale, ce ne sont pas des maîtres de la pensée qui auraient bravé Dieu dans ses profondeurs, ce sont des hommes qui, doués par Dieu d’une raison supérieure, en ont abusé pour donner de mauvais conseils politiques… » Et dans le châtiment d’Ulysse, de Bertran de Born, de Montefeltre, Klaczko ne semblait-il pas chercher celui des hommes d’Etat perfides et cruels dont sa plume avait si souvent percé les trames et dévoilé les stratagèmes ? L’auteur des Soirées Florentines concluait ainsi sa longue et substantielle étude sur Dante : « Il ouvre le cortège de ces poètes et de ces écrivains qui croiraient avoir le droit et le devoir de porter un jugement sur toutes les questions du jour, d’être les conducteurs des peuples et les conseillers des princes… Mais Dante n’a fait qu’évoquer les esprits qu’il pensait conjurer et hâter l’avènement d’un ordre de choses qu’il repoussait de tous ses instincts… Il fut le plus noble et le plus tragique de tous les utopistes du passé. Il a travaillé de ses propres mains à la ruine du système qu’il proclamait le seul vrai, le seul éternel, et il n’est pas maintenant jusqu’à l’immortalité de son chef-d’œuvre qui ne témoigne de la vanité de son idéal. »

C’est sur ces lignes douloureuses que se termine l’étude d’un poème empreint d’ailleurs de la plus navrante douleur qui fut jamais. Posséder en soi l’idéal, reconnaître les élémens de cet idéal dans le passé, chercher à le faire revivre et à le faire triompher, vouloir avec lui soulever le monde, telle était la pensée de Dante que Klaczko appelait avec tristesse une utopie sublime. Mais cela ne l’empochait pas de réciter en toute confiance la belle paraphrase du symbole des Apôtres que Dante prononce au Paradis devant saint Pierre :


… Credo in uno Dio
Solo ed eterno, die tutto il ciel move


Avec les Soirées Florentines, Klaczko obtint sa première et sa seule couronne académique. Jamais prix littéraire ne fut mieux décerné par l’Académie française.

Le dernier ouvrage de Klaczko fut la Papauté et la Renaissance où le savant écrivain étudia particulièrement deux