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pas à ce Job des nations de maudire ses dieux et de vivre ! Il ne prononce pas de blasphème. Il reste sur le grabat, fidèle à la religion du devoir. Le triomphe croissant de l’iniquité n’ébranle pas son culte pour le droit, et, en présence des annexions qui se font de nos jours, il rappelle avec une fierté légitime le baptême de Cracovie. Il pense aussi, avec le naïf parlement de Horodlo, que l’amour seul fait des unions durables. » Klaczko faisait allusion à l’union historique que la noblesse polonaise, sous son roi Ladislas, contracta avec la noblesse lithuanienne commandée par le prince Witold. C’est ainsi que, fidèle à ses convictions, à ses espérances, Klaczko parlait de sa patrie et appelait de tous ses vœux, malgré toutes les difficultés et toutes les oppositions, l’ère de la renaissance polonaise. Attentif à tout ce qui pouvait se rapporter à son pays, il disait avec tristesse : « La désolante théorie de Darwin sur la disparition forcée des espèces faibles s’étend jusque dans le domaine moral de l’humanité chrétienne. Il n’y a plus de place dans ce domaine pour les petits États, pour les petits peuples dont chacun cependant a une histoire, une littérature et une individualité distinctes, un génie et une âme ! » Toutefois, il ne désespérait pas, et il voulait croire quand même, lui catholique, lui patriote, à une réaction possible. Toutes ces questions qui passionnaient alors l’opinion et qui maintenant semblent inconnues aux uns, ou indifférentes aux autres, allumaient dans l’âme de Klaczko un feu, une ardeur indicibles.

En politique, Klaczko avait une vue perçante qui ressemblait presque à de la divination. Dès 1862, il prévoit l’unité allemande et désigne celui qui la fera. « On se tromperait, dit-il, si on ne voulait voir dans la lutte que vient d’engager M. de Bismarck avec la représentation nationale qu’un désaccord ordinaire sur les attributions des divers pouvoirs… Au fond du débat gît un problème bien autrement grave, celui même de la constitution future de l’Allemagne… M. de Bismarck ne s’est pas fait faute d’insinuer qu’il ne sortait de la légalité prussienne que pour rentrer dans le droit allemand et qu’il ne prenait en main la dictature que pour une grande initiative. C’est donc le mouvement général de l’Allemagne qu’il ne faut pas perdre de vue en étudiant le mouvement prussien. » Klaczko rappelle alors la chanson célèbre d’Arndt : « Quelle est la patrie de l’Allemand ? — Toute l’Allemagne doit être cette patrie. — Et