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découragement profond produit par l’histoire lamentable des deux dernières Doumas. On avait attendu beaucoup de la première et un peu moins, mais encore quelque chose, de la seconde. L’une et l’autre, pour des motifs divers, se sont montrées au-dessous de leur tâche, et elles ont été dissoutes, brisées, congédiées, avec une aisance qui a montré combien étaient peu profondes leurs racines dans le pays.

Lorsque la première Douma a été dissoute, tout le monde s’est demandé ce qui allait se passer, et cette question provoquait partout, même dans le Gouvernement, une vive inquiétude. Le gouvernement s’est bientôt rassuré quand il a vu qu’un acte aussi audacieux en apparence ne provoquait aucune émotion appréciable. On s’attendait à une explosion qu’il faudrait réprimer durement ; elle n’a pas eu lieu, et le maladroit manifeste de Viborg n’a rencontré aucun écho. Si, à ce moment, le gouvernement avait pris la résolution de ne pas faire élire une nouvelle Douma, les troubles qui se seraient produits auraient été superficiels. Mais le gouvernement, — et c’est une justice que l’histoire devra lui rendre, — amis son honneur à tenir la parole qu’il avait donnée : le décret de dissolution de la première Douma convoquait les électeurs pour l’élection d’une seconde. Aucune modification n’était apportée à la loi électorale ; on considérait même, à ce moment, qu’on n’aurait pas pu l’y introduire par un acte unilatéral du pouvoir exécutif, sans violer les lois fondamentales que l’Empereur avait données au pays et auxquelles il s’était interdit de toucher en dehors des Chambres. Ce respect scrupuleux d’une constitution qui était encore à l’état rudimentaire a eu des conséquences fâcheuses : il n’a pas été récompensé comme il aurait mérité de l’être, et la seconde Douma a été inférieure à la première. Celle-ci avait, certainement, une portée d’esprit beaucoup plus haute : nous restons convaincu qu’un gouvernement qui aurait eu lui-même une plus grande expérience des assemblées en aurait tiré quelque parti. Avec la seconde, il y avait moins de ressources. La campagne électorale avait été caractérisée par la guerre au couteau que le gouvernement y a faite aux cadets, sur lesquels il n’a pourtant remporté qu’une demi-victoire. Les cadets sont revenus décimés et pleins de rancune ; ils ne pouvaient plus être une force ; ils ne restaient qu’un embarras. Aucune majorité n’étant possible dans une assemblée pareille, on a senti tout de suite que sa carrière serait très bornée. C’était toutefois pour le gouvernement une responsabilité grave que de procéder si vite à une dissolution nouvelle : quelle peut être l’autorité d’une Douma qu’il est si facile de dissoudre et que le ministère renvoie