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écrivains tâchent de leur mieux à y échapper. J’en ai rencontré plusieurs qui, ayant reçu sans doute une excellente éducation littéraire, ont réussi à se pourvoir d’un style personnel, et fort bien adapté à leur tour d’esprit. Et si aucun autre, certes, de ces nouveaux venus ne m’a paru offrir d’aussi belles promesses que M. de Morgan, il y en a plus d’une vingtaine dont le tempérament est assez original, ou le talent assez remarquable, pour mériter d’être mis en lumière. Mais avant d’aborder l’œuvre de ces débutans, il faut d’abord que je signale brièvement les derniers ouvrages de certains de leurs aînés, dont le nom est, dès maintenant, familier au lecteur français.


III

Les deux burgraves du roman anglais, M. Georges Meredith et M. ‘Thomas Hardy, se sont depuis longtemps retirés du combat. Le bruit même qui retentissait, naguère encore, autour de leurs noms, semble s’être apaisé[1], et j’imagine que chaque année voit décroître le nombre de leurs lecteurs, qui, du reste, n’a jamais été bien grand, en comparaison de leur renommée. Et pourtant, — chose curieuse, mais nullement exceptionnelle, ni inexplicable, — leur influence littéraire devient de plus en plus forte, au lieu de s’affaiblir avec le déclin de leur popularité. Le public ne les lit plus, ni peut-être les jeunes écrivains : mais ceux-ci subissent leur action indirectement, par l’intermédiaire d’autres hommes qui l’ont subie avant eux. Ils croient s’inspirer de tel ou tel de leurs aînés immédiats, ou de leurs contemporains, tandis qu’en réalité leurs véritables inspirateurs se trouvent être l’auteur de Jude l’Obscur ou celui des Aventures de Harry Richmond. Ainsi, souvent, il suffit à un maître de former un seul élève pour donner ensuite naissance à toute une école. De M. Hardy, les romanciers apprennent, surtout, à « corser » et à « étoffer » l’intrigue de leurs romans provinciaux. Dans ces villages écossais ou gallois où leurs prédécesseurs plaçaient de naïves idylles, ils placenta présent des drames, avec des types d’humanité vigoureux et volontiers un

  1. Je viens cependant de recevoir un volume nouveau entièrement consacré à la glorification du génie de M. Meredith. Il est intitulé : George Meredith, novelist, poet, reformer (Methuen, 1907), et a été écrit par Mlle M. Sturge Henderson, avec la collaboration de M. Basile de Selincourt.