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libre jouissance se trouvent impliquées dans l’idée de « puissance. » Elle cherche ainsi, jusque dans nos penchans les plus intimes, l’origine première de la soif de domination qui inspire nos actes individuels avant d’inspirer nos actes collectifs : elle est donc bien, comme nous l’avons dit, le fondement psychologique de l’Impérialisme.


III

Le troisième volume de la Philosophie de l’Impérialisme, qui traite de l’Impérialisme démocratique, est certainement le plus personnel et le plus suggestif. Il est aussi celui dont l’étude offre le plus d’intérêt actuel et pratique : l’impérialisme de races, à travers l’œuvre fumeuse de Gobineau, nous paraît une simple conception historique, qui ne vaut ni plus ni moins que quelques autres ; l’impérialisme individuel, qui remonte aux sources psychologiques de la « volonté de puissance, » n’est encore qu’une doctrine d’interprétation, discutable comme le sont toutes les interprétations des phénomènes humains. L’impérialisme démocratique est un fait : il est même le fait le plus important de la période que nous traversons, celui qui gouverne actuellement notre vie publique et transforme les conditions de notre vie privée.

Dans une curieuse et savante introduction, M. Seillière en recherche l’origine dans les écrits de Hobbes, de Boulainvillers et surtout de Mandeville, l’auteur de la Fable des Abeilles, en qui il s’appliquera à nous montrer un précurseur assez direct de Rousseau. Mais les conceptions démocratiques ou égalitaires qui purent germer dans le cerveau d’hommes appartenant à une époque aussi résolument royaliste et aristocratique, demeurent bien rudimentaires : c’est plus tard seulement qu’on voit éclore ces premiers germes. M. Seillière fait dater cette éclosion du XVIIIe siècle, et nous la décrit un peu sommairement : « Le XVIIIe siècle, nous dit-il, a vu l’avènement d’une classe sociale que la féodalité de conquête avait tenue écartée du gouvernement de la chose publique durant les premiers siècles du moyen âge, mais qui, depuis longtemps déjà, marchait d’un pas sûr à l’assaut de privilèges chaque jour moins efficacement défendus par l’épée. Le Peuple a conquis le pouvoir vers la fin de cette période historique, et tout d’abord, comme il était naturel, l’a remis entre les mains de son élite