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l’Eglise et de l’État. Les écoles laïques, qui n’avaient d’ailleurs donné que de médiocres résultats, sont abandonnées ; les subventions qui leur étaient attribuées sont reportées à des écoles congréganistes ; celles qui subsistent sont largement ouvertes aux prêtres de tous les rites. Les Pères Salésiens, les sœurs d’Ivrée deviennent les ouvriers de la propagande de la langue italienne sous le haut patronage de ces mêmes sociétés dont les tendances anticléricales s’étaient naguère manifestées avec éclat. En même temps, divers symptômes pouvaient faire croire qu’entre le nouveau Pape et le gouvernement royal, un rapprochement s’ébauchait, ou que du moins certaines intransigeances ne paraissaient plus nécessaires : les faiseurs de combinazione, toujours découragés sous Léon XIII, commençaient à espérer des occasions plus favorables. Pie X laissait se relâcher la rigueur du non expedit et permettait aux catholiques italiens de donner, dans certains cas, le concours de leurs suffrages aux candidats modérés. Le roi Victor-Emmanuel et M. Tittoni, de leur côté, choisissaient des catholiques notoires pour représenter l’Italie à Constantinople. À l’ambassade, ils nommaient le marquis Imperiali qui, dès son arrivée à Péra, manifestait avec ostentation la ferveur de son catholicisme. Au conseil de la Dette, ils déléguaient le comte Theodoli, dont la famille appartient au « monde noir » de Rome. Encouragés par tant de marques de la bonne volonté du gouvernement royal, adroitement sollicités, plusieurs congrégations ou établissemens congréganistes notifièrent à l’ambassade de France qu’ils renonçaient à notre protectorat pour se mettre uniquement à l’abri de leur drapeau national[1]. Partout, à Constantinople, en Asie Mineure, en Syrie, le nationalisme italien prenait un visage catholique. A. l’inauguration de l’église Saint-Antoine, à Péra, Mgr Borgomanero, vicaire du délégué apostolique, saluait avec enthousiasme le jour où « sous le beau soleil d’Orient le drapeau du Christ flottera à côté du drapeau de la patrie italienne. » Le délégué apostolique, absent ce jour-là, blâmait officiellement le zèle italianissime de son vicaire et offrait à l’ambassade de France l’expression de ses regrets ; mais l’effet des paroles publiques de Mgr Borgomanero n’en retentissait pas moins dans tout l’Orient.

  1. Ce sont : les Mineurs conventuels (Franciscains) avec une paroisse à Péra, une à Andrinople, une à Buyuk-Déré, les Franciscains de Cyrénaïque, les Salésiens, les sœurs d’Ivrée, les Dominicains italiens de Galata et de Smyrne.