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aux deux pays. L’Allemagne, avant de mener à bien son entreprise, aura encore à vaincre des obstacles considérables, soit du fait de certaines oppositions, soit par le manque d’argent ; dans l’un comme dans l’autre cas, il se pourrait que le concours de la France, de ses capitaux et de sa diplomatie, lui devînt nécessaire. Les circonstances mêmes semblent indiquer que la France serait en situation de reprendre, dans cette grande question du « Bagdad » d’où dépend tout l’avenir de l’Asie occidentale, son rôle naturel d’arbitrage et de conciliation entre les intérêts rivaux de l’Allemagne et de l’Angleterre. Et quant à nos capitaux, — pourvu que nos droits et nos intérêts, au Liban notamment, soient sauvegardés, — ils ne sauraient contribuer à une entreprise plus profitable au bien des peuples de l’Empire ottoman et au progrès général de l’humanité. La voie ouverte, par l’initiative allemande, à travers l’Asie turque, ne sera pas un chemin privé ; il rendra accessible à l’activité, à la libre concurrence commerciale et industrielle de l’Occident, d’immenses contrées qui restent jusqu’ici en dehors de la vie des peuples européens, livrées à l’anarchie, au brigandage, à la guerre. Cette route, il ne tiendra qu’à nous de l’utiliser pour la pénétration de notre langue, de nos exportations, de notre influence et de notre civilisation.


III

Quand on est l’Italie, qu’on a Rome pour capitale, Venise, Gênes et Naples pour grands ports, on n’échappe, ni à la nécessité d’avoir une politique active dans la Méditerranée, ni à l’ambition d’y faire grande figure. Longtemps les bateaux de Pise, d’Amalfi, de Gênes, de Venise furent les seuls intermédiaires du commerce entre l’Orient asiatique et les marchés de l’Occident. Les Génois qui allaient jusqu’à Soudak, en Crimée, chercher la soie que les caravanes y apportaient, du fond de l’Asie, à travers tout l’Empire mongol, obtinrent, les premiers, du Grand Seigneur, d’ouvrir des comptoirs en face de Stamboul, sur l’autre rive de la Corne d’Or, où la tour de Galata rappelle leur séjour. Par l’artifice d’un Dandolo, la quatrième croisade fit la conquête de Byzance et la fortune des marchands de Venise. L’Italie contemporaine, pour devenir une puissance méditerranéenne, n’avait pas besoin, comme l’Allemagne, de sortir de chez elle et de faire violence à son histoire. Ce n’est pas