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de Ninive, celui de Bagdad et celui de Mossoul, Tout le bassin du Sud est aujourd’hui, en fait, sous le contrôle britannique ; le golfe Persique, en réalité, ne finit qu’à Bagdad, et c’est une compagnie anglaise qui a le monopole de la navigation sur le Tigre jusqu’à la cité des Khalifes. Le lieutenant de vaisseau italien Vanutelli, qui vient d’accomplir une mission d’études dans les régions que doit traverser le futur chemin de fer, a trouvé, dans l’Irak, les indigènes armés de fusils anglais et travaillés par des agens afghans au service du vice-roi des Indes. Il ne paraît pas vraisemblable, à moins de modifications profondes dans l’équilibre des forces en Europe, que l’influence allemande réussisse jamais à s’établir sur le golfe Persique. — Au Nord, les Russes ont, de leur côté, des intérêts et des visées ; ils ont déjà obtenu du cabinet de Berlin qu’il renonçât aux deux tracés primitifs, plus septentrionaux, de la ligne de Bagdad, pour choisir la route par Adana ; ils attachent une grande importance à ce que l’accès du golfe d’Alexandrette reste libre, et ils n’admettraient pas que l’Arménie passât sous une protection européenne qui ne serait pas la leur : ils veulent, de ce côté, laisser des possibilités à l’avenir. — Enfin, en Syrie et spécialement dans la région de Beyrouth et d’Alep, la France a des intérêts considérables : tous les chemins de fer actuellement concédés dans cette région le sont à des Français (réseau Damas-Hamah-Hauran). La compagnie française sera naturellement amenée à renoncer au tronçon qui devait se prolonger jusqu’à Biredjik sur l’Euphrate, au nord du point de Tell-Habech où se fera la jonction avec le tracé actuel du « Bagdad. » Notre gouvernement a déjà consenti à la vente de la ligne Mersina-Adana, construite et exploitée par une société française ; mais il lui appartient de veiller à ce qu’aucun chemin de fer concurrent ne puisse être construit entre les ports de la côte et les villes de l’intérieur dans toute la région que doit desservir le réseau français. Le champ où se développera l’activité des Allemands est assez grand et assez riche pour qu’ils puissent sans regret respecter, dans le Liban, nos droits acquis et scellés, en 1860, du sang de nos soldats.

Un accord entre les deux gouvernemens, fondé sur ces principes, paraît nécessaire, mais il serait, pour ainsi dire, négatif ; les cabinets de Paris et de Berlin pourraient étudier si une entente plus complète et plus positive ne serait pas avantageuse