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grande répugnance qu’elle nous aurait suivis, ses finances en auraient encore souffert davantage, elle n’aurait manifesté que de la mauvaise volonté et ne nous aurait donné qu’un concours sans énergie, et, à la première occasion, nous eût laissés dans l’embarras. Si nous avions continué la guerre seuls, la France aurait compris qu’elle agissait mesquinement envers nous, et, parlant, ne nous en aurait haï que davantage, prête à devenir notre ennemie avec plus d’empressement que dans n’importe quelle circonstance ; l’Angleterre aurait pu avoir contre elle alors une coalition de l’Europe à laquelle se seraient joints les Etats-Unis, trop heureux d’y adhérer, et de sérieuses conséquences auraient pu en résulter.

Néanmoins lord Clarendon ne voudrait pas faire une pareille assertion à la légère, mais il est convaincu que Votre Majesté peut se déclarer satisfaite de la situation occupée maintenant par l’Angleterre ; il y a six semaines, elle était des plus pénibles. Tout le monde, ligué contre nous suspectait nos motifs, dénonçait notre politique. Maintenant le sentiment universel est que nous sommes le seul pays capable, prêt, et décidé, s’il est nécessaire, à continuer la guerre ; nous aurions pu empêcher la paix ; mais ayant déclaré que nous consentions volontiers à accepter un traité conçu en termes honorables, nous avons agi honnêtement et avec un complet désintéressement suivant notre parole. Il est parfaitement reconnu également que les conditions de la paix auraient été différentes si l’Angleterre n’avait pas été aussi ferme, et naturellement tout le monde, même ici, est satisfait de ce que cette convention n’ait pas été déshonorante pour la France.

On ne plaidera point les circonstances atténuantes et on n’exprimera point de mécontentement. Ce serait un manque de sagesse et de dignité que d’agir ainsi avant que les conditions de la paix soient publiquement connues.


La reine Victoria au comte de Clarendon.


Château de Windsor, 31 mars 1856.

La Reine remercie beaucoup lord Clarendon de ses deux lettres de samedi et d’hier. Nous le félicitons du succès qui a couronné ses efforts pour obtenir la paix, car c’est à lui seul qu’elle est due de même que c’est à lui seul qu’est duc la