Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Le duc de Cambridge à la reine Victoria.


Tuileries, 20 janvier 1856.

Ma chère cousine,

… J’ai transmis tous les messages et exécuté toutes les instructions contenues dans vos lettres, et j’espère qu’autant que cela m’a été possible, j’ai pu agir à votre entière satisfaction. D’un autre côté, je ne peux nier que les sentimens universellement exprimés ici ne soient en faveur de la conclusion rapide de la paix, et ne diffèrent si complètement de ceux que l’on éprouve en Angleterre, qu’il est extrêmement difficile de produire aucune impression dans le sens que nous souhaiterions. La France désire la paix plus que toute autre chose au monde, et ce sentiment n’est pas limité à Walewski et aux ministres, mais toutes les classes pensent de même. L’Empereur seul est raisonnable et sensé à cet égard, mais il se trouve dans une situation très pénible, qui l’affecte beaucoup. Le fait est que l’opinion publique a beaucoup plus d’influence et parle beaucoup plus haut ici qu’on ne se l’imagine en Angleterre. Sans aucun doute l’Empereur peut faire beaucoup de ce qu’il désire, mais cependant il lui est bien difficile d’aller contre un sentiment exprimé avec tant de force et dans toutes les occasions, sans nuire très sérieusement à sa propre position.

J’ai écrit très longuement à Clarendon sur ce sujet et lui ai expliqué les raisons qui me font désirer rentrer en Angleterre aussitôt que possible, maintenant que notre mission militaire est finie. Il est essentiel que je voie les membres du Gouvernement, que je leur fasse part de l’état réel des sentimens ici et des opinions de l’Empereur quant à la manière d’aplanir les difficultés. Cela ne peut être que communiqué de vive voix par une personne tout à fait au courant de l’état des affaires. Et il est probable qu’en ce moment je suis la personne la mieux qualifiée pour cela, en raison des circonstances particulières où je me suis trouvé pendant mon séjour ici, et c’est pour cette raison que je désire vivement rentrer en Angleterre sans retard. Il est donc dans mes intentions de partir avec mes collègues demain soir lundi ; l’Empereur a approuvé ce projet et, d’ici là, il sera prêt à me dire ce qu’à ses yeux il vaudrait mieux faire, étant donné