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La reine Victoria au roi des Belges.


Osborne, 9 décembre 1851.

Très cher oncle,

Votre aimable lettre du 5 m’est parvenue samedi matin. Depuis que vous m’avez écrit, il y a eu bien du sang répandu…

Ce que vous me dites à propos du gouvernement arbitraire et militaire de la France est très exact, et je crains que cet état de choses ne dure pendant quelque temps. Mais je ne vois pas comment Louis Napoléon se tirera d’affaire, ou comment il triomphera de la rancune et de la haine de ceux qu’il a fait emprisonner : je vois cependant que les légitimistes lui ont donné leur appui. Tout le monde en France et ailleurs doit souhaiter que l’ordre soit rétabli, et par conséquent beaucoup de gens se rallieront autour du Président…


La reine Victoria au roi des Belges.


Château de Windsor, 23 décembre 1851.

Mon cher oncle,

J’ai le très grand plaisir de vous annoncer une importante nouvelle qui, je le sais, vous causera autant de satisfaction et de soulagement qu’à nous, et je crois au monde entier. Lord Palmerston n’est plus secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, — et lord Granville, son successeur, est déjà nommé ! Dans ces derniers temps, il ne faisait plus attention à rien. En dépit des sérieuses remontrances et des avis qu’il avait reçus le 29 novembre et même au commencement de décembre, il a déclaré à Walewski qu’il approuvait entièrement le coup d’Etat de Louis-Napoléon, alors qu’il avait écrit à Normanby, à la suite du désir que moi et le Cabinet avions exprimé, de continuer à avoir des rapports diplomatiques avec le gouvernement français, mais de rester absolument neutre et de ne formuler aucune opinion. Walewski a écrit à M. Turgot[1]ce que Palmerston lui avait communiqué et qui était en contradiction absolue avec ce que le gouvernement avait ordonné ; et lorsque Normanby s’est présenté avec ses

  1. Ministre des Affaires étrangères de la République française.