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bien banal, a exprimé le regret que les « conseilleurs, » comme il les a appelés, aient trop oublié, en énonçant leurs critiques, « qu’ils ne sont pas seuls au monde et qu’on peut les entendre ailleurs. » Nous ne relèverions pas cette pauvreté dans la bouche d’un autre ; mais M. le général Picquart a un peu trop oublié, vraiment, qu’il n’a pas toujours eu le même scrupule. Il n’a pas hésité à étaler autrefois au grand jour quelques-unes de nos misères, avec une imprudence qui a eu de meilleurs effets pour sa propre fortune que pour la considération de notre armée à l’étranger. Qu’il se rassure : la belle étude du général Langlois et le livre même du capitaine Humbert n’ont rien appris qu’à nous-mêmes, et il s’est d’ailleurs si bien appliqué à effacer l’impression produite par leur lecture qu’on se demande s’il restera quelque chose de ce solennel avertissement. Il est difficile de prendre au sérieux l’ordre du jour de confiance voté par la Chambre, lorsqu’on songe qu’il était rédigé avant même que la discussion fût ouverte. Dès la veille tous les journaux en avaient publié le texte : on savait d’avance que rien n’y serait changé.

Le capitaine Humbert, dans son livre, avait énoncé un certain nombre de faits relatifs à l’état défectueux de nos places de guerre, à l’inefficacité de notre matériel militaire, prouvée, disait-il, par les opérations qui viennent d’avoir lieu au Maroc, enfin à tout un ensemble de malfaçons, de négligences et d’insuffisances appartenant à l’ordre matériel. La réponse de M. le ministre de la Guerre a consisté à dire, d’abord qu’il y avait beaucoup d’erreurs ou d’exagérations dans les allégations de M. Humbert, ensuite que, si ces allégations contenaient une part de vérité, on avait fait beaucoup depuis quelque temps contre un mal, qui aujourd’hui n’existait plus. C’était avouer qu’il avait existé. Sur ce point, tout le monde a été d’accord : pas une voix ne s’est élevée pour contester un fait que nous avons le droit de considérer comme acquis. Avons-nous besoin de rappeler à quel moment précis l’évidence en est apparue avec un éclat terrifiant ? C’est lorsque le général André a quitté le ministère de la Guerre et que la crise du Maroc, aggravée par l’attitude de l’Allemagne, a commencé à inquiéter sérieusement le pays. On s’est aperçu alors que nous n’étions pas prêts. Il a fallu faire et on a fait un effort vigoureux pour réparer le temps perdu et reconstituer les forces désorganisées ; et le chiffre bientôt connu des dépenses qui ont été accumulées à la hâte, dans l’espace de quelques mois ou de quelques semaines, montre combien étaient grandes les insuffisances auxquelles on a pourvu. Nous rendons justice aux hommes qui ont accompli cette rude besogne avec