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à Rouen. Sans doute on craignait qu’un séjour trop prolongé parmi les mêmes populations ne fit tourner sa rigueur en modérantisme. Peut-être même avait-on reçu quelques doléances en ce sens. Il fut remplacé par Francaslel, assisté du citoyen Mogue que le Comité de salut public lui avait adjoint. Clément de Ris eut l’intuition de ce que cette substitution allait avoir de malencontreux pour lui. Il perdait en Guimberteau un ami, un soutien. Un inconnu lui succédait. Vraisemblablement ceux qui n’avaient pas eu l’oreille de Guimberteau allaient s’appliquer à circonvenir les nouveaux arrivans. Il fit part de ses craintes à Garnier de Saintes, alors à Blois. Celui-ci le rassura de son mieux : « En perdant Guimberteau, disait-il, ta cité a perdu un garçon estimable et d’un patriotisme bien pur. Je ne suis pas étonné qu’il ait emporté tes regrets. Les braves gens savent s’apprécier. Je verrai avec plaisir Francastel venir prendre sa place : il joint à beaucoup d’énergie beaucoup d’honnêteté. J’apprécie l’intrigant dont tu me parles à toute sa valeur, et il n’eût pas fait grands voyages avec moi. Francastel n’aime pas mieux que d’être éclairé sur le compte de pareils hommes, car ils sont tous de malhonnêtes gens, la seconde qualité étant inséparable de la première. » (22 pluviôse, Il février.) Garnier de Saintes avait attendu quelques jours avant de répondre à son ami. Quand sa lettre arriva. Clément de Ris était arrêté de l’avant-veille. Que s’était-il passé ?

Garnier de Saintes avait dit juste en parlant de l’énergie de Francastel. Celui-ci, dans sa mission à l’armée de l’Ouest, avait déployé la plus grande rigueur : il sentait ce qui manquait à ces populations du centre, molles ou plutôt indifférentes, et semblait, disposé à prendre toutes les mesures propres à combattre leur tiédeur. Il écrivait, dès le 8 nivôse (28 décembre 1793) aux Jacobins : « Nous nous occupons de réchauffer les plus froids. « Ce n’est pas ici la température de Paris. Mais que Paris soit toujours vigilant, révolutionnaire au même degré ; que les Jacobins ne cessent d’imprimer le mouvement révolutionnaire, et l’esprit public se maintiendra toujours partout à la même hauteur. » Ce langage n’avait pas été sans influer sur le choix fait de lui pour prendre, à Tours, la succession de Guimberteau.

Garnier de Saintes n’était pas moins sincère en louant l’honnêteté de Francastel. Quand celui-ci, lors de son arrivée à Tours, découvrit au milieu de quelles basses intrigues il aurait