Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’intégralité des dépêches ; je suis au courant, en tant que voisin le plus proche, de la politique constamment suivie vis-à-vis de nous. Je dois dire que personne n’est moins disposé à acquérir de l’influence dans les États étrangers, à s’embarrasser d’extensions familiales au dehors, que n’est le Roi. Il rejeta, de la façon la plus positive, le projet de mariage de Joinville avec dona Maria, parce qu’il ne voulait rien avoir à faire avec le Portugal. Il rejette mille fois l’idée d’unir la reine d’Espagne à Aumale, parce qu’il ne veut pas avoir de fils, là où ce n’est pas son intention de le soutenir.

C’est parce qu’il craignait d’être entraîné à intervenir réellement, que le Roi a désiré ne pas avoir de légion française en Espagne. Qu’il ait raison ou tort, je ne prétends pas à le décider, puisque j’avais une opinion différente de la sienne l’année dernière ; mais sa crainte d’être entraîné trop loin, — comme un homme dont les vêtemens sont saisis par une machine à vapeur, — est très naturelle. Son antipathie pour les libéraux avancés, dans la péninsule, ne l’est pas moins : ils soutiennent des principes de gouvernement qui rendent la monarchie impossible, et qui, appliqués en France, ruineraient le trône. L’Angleterre, à cause de sa position toute spéciale, peut faire beaucoup de choses, qui, en France, bouleverseraient tout… Je termine ma lettre et répondrai à la vôtre demain. Dieu vous bénisse ! Toujours, ma bien chère Victoria, votre oncle dévoué.


Le roi des Belges à la reine Victoria.


Trianon, 27 octobre 1837.

… Je ne parlerai pas politique aujourd’hui ; il n’y a rien de très important, sauf la prise de Constantine Le duc de Nemours s’est distingué d’une façon remarquable. Je regrette de voir qu’en Angleterre des gens sont quelquefois assez absurdes pour être jaloux de ces conquêtes françaises. Rien ne peut être plus ridicule, car rien n’est plus important pour la paix de l’Europe, que le fait qu’une nation, puissante et militaire comme la France, ait un débouché pour son amour de spectacles guerriers. Si on avait nommé un conseil de sages pour fixer l’endroit où ceci pourrait avoir lieu, en causant le moins de mal au reste du monde, on aurait choisi la côte d’Afrique. En y allant, les Français rendront à la civilisation un pays où, depuis 800, les choses