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permettre de faire bonnes finances, Laffitte aurait pu ajouter, en résumant son discours, qu’il faut faire de bonnes finances pour fortifier le crédit de l’État. La situation n’était pas alors précisément brillante. Corvetto évaluait le déficit prévu à plus de 314 millions de francs et demandait, pour le couvrir, la création de 30 millions de rentes qu’il comptait émettre au prix de 60 francs environ. Les charges des deux invasions, celles de l’occupation d’une partie du territoire par les alliés, grossissaient considérablement les dépenses. Et les prévisions budgétaires pour les exercices futurs n’offraient pas des chiffres plus consolans. Les déficits des exercices suivans étaient estimés, par Corvetto, pour 1818 à plus de 261 millions ; pour 1819, à 253 millions et demi ; pour 1820, à plus de 274 millions, soit un total général de plus de 788 millions à ajouter en trois ans à l’emprunt proposé pour 1817. Ce n’était pas tout, d’ailleurs, et Laffitte le démontra facilement en signalant le chiffre de la dette flottante exigible qui s’élevait, pour 1817, à 95 millions, et pour laquelle Corvetto devait recourir à des opérations de trésorerie. Il s’y ajoutait même, grossissant le total jusqu’à la somme de 1 200 millions, quelques autres dettes.

Laffitte, dans son discours, ne s’attarde pas trop aux théories. Toutefois, après avoir indiqué les « deux moyens pratiques » de subvenir aux charges des États, c’est-à-dire les impôts et les emprunts, il montre, très sobrement, mais avec une grande clarté, les répercussions que produisent les uns et les autres sur la fortune publique. Il se prononce pour l’emprunt proposé, qu’il accepte tel quel, bien qu’il trouve son chiffre trop élevé d’un tiers, parce qu’il croit à la possibilité de faire des économies dans certains ministères dépensiers. En réalité, l’idée maîtresse de son discours est de réclamer plus de garanties matérielles et morales à la veille d’une série d’emprunts aussi considérables. Il veut que l’État, au moment où il va s’adresser au crédit pour d’aussi grosses sommes, donne des gages supérieurs à ceux que le projet énumère. La fidélité de l’État à ses engagemens est une première condition de confiance. Or, il craint qu’elle n’ait subi quelque atteinte. N’a-t-on point supprimé, comme affectés au paiement de l’arriéré, le produit de 300 000 hectares de bois appartenant à l’État et les revenus communaux ? N’est-ce point à ce sujet que Corvetto avait prononcé les mémorables paroles par lesquelles il proclamait que l’honneur de l’État était de