Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se déroula l’idylle naissante de saint François et de « madame la Pauvreté ? » Sur une brochure achetée à une précédente visite et que je retrouve dans mon guide, je lis bien que « l’élégance du style, la pureté des lignes, l’ampleur de l’enceinte font de cette Basilique l’une des plus belles du monde et qu’en y entrant, le cœur se sent comme agrandi, tant elle est spacieuse et lumineuse, » mais je me rappelle douloureusement la petite chapelle, si misérable dans la vaste église moderne, et l’horrible fresque d’Overbeck, et le jardin des roses sans épines dont les moines vous donnent, — moyennant une offrande, — quelques feuilles tachées de rouille. Doux Poverello, qui voulus un jour renverser les murs couverts de tuiles, que tes compagnons avaient, en ton absence, substitués aux cabanes de chaume, que dirais-tu si tu entrais dans la froide et somptueuse demeure que les gens de ce siècle t’élevèrent ? Vainement tu chercherais le toit de la cellule sur lequel, le soir où tu mourus, les alouettes vinrent, au coucher du soleil, se poser et crier joyeusement, — des alouettes qui pourtant ne chantent qu’au clair soleil du matin, alaudæ aves hicis amicæ

A un tournant de la route, Assise apparaît dans son majestueux développement. Vue d’ici, la cité est formidable. C’est une ville guerrière, une forteresse imprenable, dressée sur un contrefort du Subasio. N’est-ce pas d’ailleurs une citadelle, l’une des plus glorieuses du monde spirituel ? A son aspect, comment ne pas éprouver l’une de ces secousses profondes qui, deux ou trois fois dans l’existence, nous font tressaillir jusqu’en nos fibres les plus secrètes, quand, devant une œuvre d’art, nous découvrons la pure beauté, quand, sous les lignes d’un livre, nous entrevoyons les lois mêmes de la vie, quand, d’une hauteur, nous apercevons tout à coup, comme Ruskin, de la terrasse de Schaffouse, un panorama si merveilleux et si éclatant que nous nous sentons prêts à ployer les genoux ?

Toujours nous émeuvent les lieux où vécut un grand homme, lorsqu’ils servirent à façonner sa sensibilité. Les paysages parlent surtout à notre imagination parce qu’ils ne changent point et que nous pouvons nous dire : Voici l’horizon qu’il avait sous les yeux, voici les campagnes et les collines, les mêmes après des siècles, dont ses regards s’enivrèrent. Plus que le couvent et les églises d’Assise, la nature environnante éveille notre émotivité. Ces arbres déjà roussis par l’été, ces pampres dorés suspendus