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Non contente cependant d’avoir par-delà l’Hindou-Kouch, le Karakorum et l’Himalaya, transformé le Béloutchistan, l’Afghanistan et le Thibet en autant de glacis de la frontière Nord-Ouest de l’Inde, l’Angleterre a cherché, tout récemment encore, à augmenter la sécurité de son empire anglo-indien par des alliances et des traités. Le traité de Portsmouth, qui a mis fin à la guerre russo-japonaise, n’était pas encore signé que, profitant de l’état de choses nouveau, créé en Extrême-Orient, elle a conclu avec le Japon, le 13 août 1905, un traité aux termes duquel il est stipulé que la Grande-Bretagne, « ayant un intérêt spécial dans tout ce qui concerne la sécurité de la frontière de l’Inde, le Japon reconnaît son droit de prendre à proximité de cette frontière telles mesures qu’elle jugera nécessaires pour sauvegarder ses possessions de l’Inde.. » Partout, dit l’article 1er, où quelques-uns de ces droits et de ces intérêts seraient menacés, les deux gouvernemens doivent communiquer l’un avec l’autre pleinement et franchement, et considérer en commun les mesures à prendre pour sauvegarder ces intérêts et ces droits. Expliquant le sens de ces déclarations, l’article 2 ajoute que si, par suite d’une attaque non provoquée ou d’une action agressive, une des deux parties contractantes est impliquée dans une guerre pour la défense de ses intérêts territoriaux ou de ses intérêts spéciaux, l’autre partie viendra immédiatement au secours de son alliée, fera la guerre en commun et conclura la paix d’un accord mutuel avec elle. De par ce traité, l’Angleterre était laissée maîtresse de faire ce qu’elle voudrait dans les pays voisins de la frontière Nord-Ouest des Indes, y compris la Perse ; et le Japon devait mettre ses forces à sa disposition, dans le cas où une puissance étrangère quelconque s’opposerait par la force à son action. D’aucuns ont prétendu que la Russie seule était visée dans ce cas, car seule elle est en mesure, par la contiguïté de ses frontières et de celles de l’Inde, d’envoyer une armée sur le plateau de l’Iran et dans les hautes vallées afghanes.

Ces détails sur les résultats de la marche envahissante de l’Angleterre et de la Russie en Asie Centrale, et sur leur situation politique et économique respectives dans les pays à proximité de l’Inde, sont indispensables à connaître pour bien apprécier les considérations qui ont pu déterminer les deux puissances à conclure un accord. Dans ces derniers temps, le champ de luttes