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REVUE MUSICALE

LA MUSIQUE ET LA MORALE

C’est une question que nous aurions aimé traiter ici, — nous ne disons pas résoudre, — du vivant et comme sous les yeux de notre regretté maître, Ferdinand Brunetière. Sa maîtrise en effet s’étendait aux choses mêmes qu’il affectait parfois de tenir pour indifférentes. La musique figurait au premier rang de celles-là. Mais ces choses, qui n’étaient pas siennes par le sentiment ou la sympathie, il les voulait du moins et les faisait telles par l’intelligence, par une intelligence à laquelle rien d’humain, — ni de divin, — ne fut étranger. « La musique, » nous disait-il un jour, « je ne l’aime pas et je ne m’y entends guère… Mais tout de même il ne me serait peut-être pas impossible de la réduire à deux ou trois idées générales. » Assurément, et par bonheur, il ne l’y eût jamais réduite. Mais toujours c’est aux idées générales qu’il nous conseillait de la rapporter. En souvenir de lui, nous suivrons encore aujourd’hui son conseil.

Une des conférences les plus fameuses du grand orateur eut pour sujet et pour titre : L’art et la morale[1]. La musique y était touchée seulement en passant, d’une main rude. Ayant, dès le début, — tel fut l’argument ou le fond du discours, — dénoncé dans chacun des arts (hormis la seule architecture) la tendance à l’immoralité, l’orateur ajoutait avec un redoublement de rigueur : « Que serait-ce, si je m’avisais de vouloir emprunter des exemples à la musique ? »

  1. Discours de combat, nouvelle série, Paris, Perrin, 1902.