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LE
ROMAN ALLEMAND
EN 1907


I

Si l’on excepte, peut-être, les Souffrances du jeune Werther, — dont on sait d’ailleurs que le jeune Gœthe les a écrites sous l’influence immédiate de Clarisse Harlowe et de la Nouvelle Héloïse, — jamais l’Allemagne n’a produit aucun roman qui ait eu la bonne fortune de pouvoir s’acclimater dans les autres pays. Jamais aucune œuvre d’un romancier allemand n’a réussi à devenir vraiment « européenne, » comme le sont devenues maintes œuvres de romanciers français et anglais, italiens et espagnols, russes et polonais. Au contraire du conte allemand, qui, sous la double forme du fabliau populaire et du rêve romantique, avec les frères Grimm et Théodore Hoffmann, a pénétré sans peine aux quatre coins du monde, le roman allemand, toujours et partout, s’est montré décidément impropre à l’exportation. En France, par exemple, des innombrables romans d’outre-Rhin que l’on a tenté de nous révéler, depuis les Affinités électives de Gœthe jusqu’au Pain quotidien de Mme Viebig, vainement j’en cherche un seul qui ait survécu, ou même qui nous ait laissé une trace de son passage, à la manière de Tom Jones ou de Don Quichotte, des Fiancés de Manzoni ou de Quo vadis ? Beaucoup d’entre eux, cependant, ont été traduits avec infiniment plus d’intelligence et de soin que le sont chez nous,