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plus encore, à cause de la confusion même des différens pouvoirs dont est formé le pouvoir central et de leur absorption en un seul.

Comment s’est faite cette confusion, nul ne l’ignore et l’on vient de le rappeler. Il y a une quinzaine d’années, de fréquens et de fâcheux contacts se sont établis entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire, alors que déjà le contact était perpétuel entre le législatif et l’exécutif. L’exécutif, manquant de force et de stabilité, est tombé dans la dépendance du législatif. Le Président de la République ne peut rien contre le Parlement, pour bien des motifs, mais d’abord parce que le Parlement l’élit et a la faculté de le réélire ; il est d’avance annihilé, supprimé de fait, suicidé en même temps que nommé. Dans le sépulcre blanchi, et même doré, où prématurément on le dépose, il lui reste deux doigts pour signer, deux yeux pour pleurer, et 600 000 francs de traitement auxquels se joignent 600 000 francs de frais de voyage et de représentation. Le ministère, lui aussi, extrait mou de parlementarisme, est constamment à la merci d’un vote défavorable des Chambres, et constamment en quête des moyens d’y échapper, en gros ou en détail. À côté du législatif, ou au-dessous, un pouvoir pourtant, si l’on veut que c’en soit un (les vieux théoriciens ne le reconnaissaient pas) eût fait frein s’il eût subsisté, le pouvoir administratif ; mais, dépendant de l’exécutif, il est, avec lui et comme lui, tombé dans la dépendance du législatif ; tandis que l’exécutif y tombait par l’intimidation, mais se reprenait un peu grâce à la recommandation, il y tombait lui-même des deux côtés à la fois, par l’intimidation et par la recommandation : tout dans l’État s’asservissait, se vassalisait sous les Chambres, sous la Chambre, sous la majorité de la Chambre, sous les stratèges ou les chorèges de cette majorité. Le magistrat, le fonctionnaire apprenaient à se tourner vers leur député et à se détourner de leurs chefs ; ils se faisaient à l’envi les délégués des « politicaillons, » la main ouverte ou le poing fermé du monstrueux pouvoir central tout entier concentré en eux ; de sorte que la France devait n’être plus ni jugée ni administrée, mais seulement « légiférée, » et mal, et arbitrairement, c’est-à-dire que, mal faite, la loi était, de plus, mal appliquée, l’était ou ne l’était pas, et que, par l’application ou la non-application des lois, on en arrivait à la pire des oppressions, à la suppression du droit.

4o L’anarchie. — Du même coup que l’autorité, la responsa-