Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/839

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sur les soldats, et la force militaire est impuissante. À Rennes, pour venir à bout de la ville révoltée, il a fallu une armée, puis un camp en permanence, quatre régimens d’infanterie et deux de cavalerie, sous le commandement d’un maréchal de France. Mais, de ce côté même, du côté des soldats, il s’élève (comme pour nous hier) une inquiétude. Au mois de février 1789, Necker avoue « qu’il n’y a plus d’obéissance nulle part, et qu’on n’est même pas sûr des troupes. » Moins que sûr. Le 23 juin, deux compagnies de gardes françaises avaient refusé le service. Consignés aux casernes, le 27, ils violent la consigne, et désormais, « chaque soir, on les voit entrer au Palais-Royal en marchant sur deux rangs… Tous les patriotes s’accrochent à eux ; on leur paye des glaces, du vin (comme à Béziers ou à Agde) ; on les débauche à la barbe de leurs officiers… C’est un régiment perdu pour la discipline : une société secrète s’y est formée… » Entre eux et le Palais-Royal, la confédération est faite. Le 30 juin, onze de leurs meneurs conduits à l’Abbaye écrivent pour demander du secours : un jeune homme monte sur une chaise devant le café Foy, et lit tout haut leur lettre ; à l’instant, une bande se met en marche, force le guichet à coups de maillet et de barres de fer, ramène les prisonniers en triomphe, leur donne une fête dans le jardin et monte la garde autour d’eux pour qu’on ne vienne pas les reprendre. — Quant aux autres corps, ils ne tiennent pas mieux et sont séduits de même. « Hier, écrit encore Desmoulins, le régiment d’artillerie a suivi l’exemple des gardes françaises… » Des dragons disent à l’officier qui les mène à Versailles : « Nous vous obéissons, mais, quand nous serons arrivés, annoncez aux ministres que, si l’on nous commande la moindre violence contre nos concitoyens, le premier coup de fusil sera pour vous. » C’est l’Internationale avant la lettre, je veux dire avant la musique, car on ne la chante pas, on la parle, ce qui, selon Beaumarchais, est plus sérieux. « Ainsi la force qu’on amène pour réprimer l’émeute ne sert qu’à lui fournir des recrues. Bien pis, l’étalage des armes, sur lequel on comptait pour contenir la foule, fournit la provocation qui achève de la révolter. »

Dans la foule révolutionnaire, deux parts, — sans compter la troisième, qui y est peut-être, mais qui se cache : l’agent provocateur ; — d’une part donc, comme on le vit le 27 avril à la maison du fabricant de papiers peints Réveillon, une tourbe de