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groupemens de Verdun, de Saint-Mihiel et des Vosges. Il semble que la conception française soit d’autant plus judicieuse, qu’avec l’armement moderne, la prise de contact des deux adversaires devient de plus en plus difficile, et que la durée de résistance d’une troupe de faible effectif devant une troupe numériquement supérieure augmente chaque jour. A chaque progrès de l’armement, en effet, l’attaque doit se faire plus prudente et plus lente ; la résistance d’une avant-garde donne donc le temps au gros de prendre les dispositions les plus convenables.

De ces considérations, nous pouvons conclure que si la guerre se développait dans les conditions indiquées plus haut comme normales, c’est-à-dire si elle était régulièrement déclarée et si les Allemands ne commençaient les opérations actives qu’après la concentration complète de leurs armées, nous nous trouverions dans des conditions satisfaisantes, du moins quand nous aurons relevé les effectifs de notre artillerie et donné à notre cavalerie les soutiens mobiles qui lui sont indispensables. Etant donnée la forme enveloppante que prendra vraisemblablement l’offensive allemande, notre situation serait même excellente si la neutralité de la Belgique et celle de la Suisse étaient sûrement respectées.

Mais l’offensive allemande prendra-t-elle la forme classique que nous avons envisagée ? C’est fort douteux. Avant de présenter l’hypothèse qui nous semble plausible, constatons la proportion des forces militaires de nos voisins comprises dans un rayon de 200 kilomètres autour de Château-Salins, centre stratégique de la frontière allemande, correspondant exactement à notre centre stratégique de Nancy. Dans un rayon de 200 kilomètres autour de Château-Salins, on trouve les XIVe, XVe et XVIe corps entiers, soit 6 divisions, une division et demie du VIIIe corps dans les garnisons principales de Trêves et de Coblentz, une division bavaroise à Landau, environ une division du XIVe corps (Stuttgart), une division et demie environ du XVIIIe corps dans les garnisons de Magdebourg et de Darmstadt (Francfort non compris) ; — soit au total onze divisions : plus exactement 156 bataillons, 114 escadrons, 145 batteries (870 pièces), c’est-à-dire en infanterie 24,6 pour 100, presque un quart de l’effectif total de l’armée. Si nous récapitulons, d’autre part, les forces françaises comprises dans une zone de 200 kilomètres autour de Nancy, nous y trouvons le 20e corps