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c’est à peu près le prix de nos voies françaises. Celles de l’Angleterre reviennent à 817 000 francs ; celles de la Russie à 235 000 seulement. Dans le Nouveau Monde, au Canada, malgré l’appui pécuniaire du gouvernement, le kilomètre est monté à 187 000 francs. Aux États-Unis, les chemins de fer ne représentent, au pair, qu’un capital de 150 000 francs par kilomètre.

Quelque bas qu’il paraisse, ce chiffre de 150 000 francs devait être, à l’origine, très supérieur à la valeur réelle de lignes dont le terrain n’avait presque rien coûté, dont les ouvrages d’art avaient été réduits à l’indispensable, dont les gares et le matériel étaient fort sommaires. Il y avait, entre le taux nominal de ces actions et obligations et le débours réellement effectué, un écart suffisant pour réserver aux instigateurs et aux porteurs de la première heure de larges profits, si toutefois l’affaire réussissait. Or elle n’a pas réussi toujours. La destinée de ces 148 compagnies ou « systèmes, » qui rayonnent sur le territoire de l’Union, a été des plus capricieuses.

Les juger, les envisager en bloc, ce serait additionner 3 éléphans, 8 vaches, 7 souris et un cochon d’Inde, et conclure que le total est de 19 animaux. Une action du Delaware Lackawanna and Western, qui rapporte 71 francs et vaut 1 250 francs est fort loin d’une action ordinaire du Chicago Great Western, qui vaut 80 francs et n’a jamais rien rapporté. A côté de 3 milliards d’obligations qui payent régulièrement un intérêt de 6 pour 100 ou davantage, se voient 12 milliards d’actions qui, depuis dix ans, n’ont pas distribué un centime de dividende.

Dans leur ensemble, les chemins de fer américains, naguère très au-dessous de leur valeur nominale, étaient arrivés l’an dernier à se capitaliser en Bourse à environ 5 pour 100 au-dessus du pair. Ce n’était point l’effet de l’agiotage ; non seulement ils méritaient ce cours, mais ils valent intrinsèquement bien davantage. Il serait absurde de penser qu’on pourrait refaire le réseau américain pour son prix initial, parce qu’il s’est grossi depuis vingt-cinq ans de toutes les dépenses d’amélioration et d’extension payées sur les bénéfices, de la plus-value inappréciable qu’ont acquises les gares et points terminus dans les grandes villes, ainsi que les terres rurales, concédées aux compagnies à l’origine et qui sont demeurées jusqu’ici leur propriété.

Cependant le public que n’avait point choqué l’inflation de jadis, lorsqu’elle existait, crie bien fort, aujourd’hui qu’elle