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Certains restes d’hébraïsme, encore une fois, ne pouvaient ni même ne devaient en être proscrits. Dans les premiers siècles et jusqu’à sa ruine définitive par Adrien, Jérusalem ne fut pas totalement délaissée et maudite. Elle avait son Eglise, dont quinze évêques appartinrent à la nation juive. Par une faveur suprême, par je ne sais quel délai de miséricorde, il semblait que la ville autrefois sainte eût conservé comme un écho de la vocation divine qu’elle avait refusé d’entendre. Or voici comment l’historien définit cette espèce de résonance : « Non seulement, dès ses premières années, la liturgie chrétienne est modelée sur la liturgie primitive et rudimentaire des synagogues (et en partie du Temple), mais encore elle reste tributaire de ses développemens pendant quatre siècles, grâce à l’appoint que lui fournissent, en dehors des recherches des hébraïsans contemporains, les conversions juives. Le chant, partie intégrante de la liturgie, est passé par les mêmes phases. » A l’appui de sa thèse, M. Gastoué rapproche en un tableau d’ensemble certaines parties de l’office matutinal suivant les diverses liturgies : hébraïque, grecque, gallicane, bénédictine, romaine, ambrosienne. Quant à l’office chrétien de la vigile nocturne, l’auteur nous le donne comme un composé de la vigile et du nocturne israélite. Il paraît donc impossible de contester que, dans la Jérusalem nouvelle, jusque dans ses prières et dans sa voix, quelque chose de l’ancienne subsiste éternellement.

On sait de quoi se composait la musique liturgique d’Israël. Ou du moins (car elle ne se transmettait que par le système précaire et périssable de la tradition orale), on en connaît le principe essentiel. Il consistait dans la vocalité et dans la monodie. Le Temple, et le Temple seul, admettait l’emploi de la symphonie. Il est même rapporté que quatre mille instrumentistes et chanteurs, partagés en vingt-quatre sections, étaient attachés au service du sanctuaire. Des instrumens divers, à cordes, à vent et à percussion, pouvaient accompagner le chant. Il est croyable aussi « que ces instrumens devaient faire entendre une ritournelle en certains cas où les chantres se taisaient. » Mais l’office de la synagogue, dont le recueil des Psaumes formait la base, n’était que chanté ; de plus il ne l’était qu’à l’unisson ou à l’octave, autrement dit sans harmonie.

Sur l’exécution, sur la notation, quelques renseignemens sont également parvenus jusqu’à nous. Eusèbe, d’après Philon, fait mention (au IVe siècle) de chants « très variés de rythme et de mélodie, » encore en usage dans la secte juive des Thérapeutes d’Alexandrie. Ils étaient chantés soit par deux chœurs, alternés ou réunis, d’hommes et de