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républiques de l’Amérique du Sud, on a vu avec étonnement les partis socialistes forcer la porte des corps élus. Ces partis sont des noyaux autour desquels tourbillonne une poussière flottante et très variable de mécontens venus de toutes les classes, paysans en petit nombre, membres de la petite bourgeoisie, du petit commerce, artisans, ouvriers, intellectuels.

Les groupes socialistes organisés, qui cherchent à agir sur la masse, à l’entraîner, à l’électriser, en temps d’élection, ont rétrogradé en Suisse et en Espagne. En France, de 27 000 qu’ils étaient en 1905, ils sont montés à 55 000 ; en Belgique, de 130 à 148 000 ; aux États-Unis, de 20 à 35 000. En Angleterre, le Labour party a vu doubler le nombre de ses membres. La Norvège compte 20 000 socialistes enrégimentés, la Hongrie 129 000, le parti autrichien 100 000. Le Canada, la Bolivie, l’Argentine, le Chili, inscrivent aussi une augmentation de leurs adhérens. Le nombre des organisations politiques allemandes, qui ont réussi à faire voter, en faveur des candidats socialistes, trois millions et demi d’électeurs, est actuellement de 530 406 membres, et a augmenté d’une année à l’autre de 146 139 membres. La défaite électorale du parti n’a donc pas nui à son expansion.

Mais le phénomène le plus important, depuis le Congrès d’Amsterdam, est l’accroissement considérable des syndicats. Comme le remarque M. Vandervelde, le développement des organisations syndicales a pour la classe ouvrière une tout autre portée que la conquête de quelques sièges au Parlement. Jadis, les représentans du socialisme politique étaient tout, et les organisations syndicales presque rien. Aujourd’hui, au contraire, les syndicats constituent un des facteurs essentiels, dans la lutte du prolétariat contre le capital. En Allemagne, les syndicats professionnels représentent, par le nombre de leurs membres, le quintuple des effectifs socialistes ; en Suisse, le triple ; en Hollande, le quadruple. En France, à côté de 55 000 socialistes il y a 900 000 ouvriers syndiqués. La proportion est encore plus forte en Angleterre et en Amérique. On comprend, d’après ces chiffres, le souci extrême, l’inquiétude qu’éprouvent les partis socialistes de maintenir une étroite union, un appui mutuel avec les syndicats qui, de plus en plus, les dépassent. Rien n’est plus important que cette question des rapports entre l’organisation politique et l’organisation économique du prolétariat. Tantôt l’entente est étroite ; c’est le cas de l’Alle-