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de les copier, et une occasion pour les envoyer, vous nous ferez un grand plaisir ; nous voulons tous les apprendre par cœur [19 mai 1826]. »

On a souvent reproché à Lamartine de ne pas assez travailler ses vers et d’avoir horreur des corrections. Il ne mérite qu’en partie ce reproche. Et nous allons pouvoir ici, en nous servant du manuscrit de Milly que possède M. Ch. de Montherot, initier le lecteur à ce travail de corrections que faisait Lamartine d’après des critiques qu’il avait lui-même sollicitées. En envoyant l’Harmonie à son beau-frère, à qui elle est dédiée, Lamartine priait celui-ci de copier ses vers, d’en envoyer l’original ou la copie à sa mère, et de les lire à Virieu, mais de ne les communiquer à personne autre, ces vers étant pour eux seuls. Il lui demandait comme un service d’ami d’y faire rigoureusement les corrections nécessaires pour son goût propre, lui promettant d’en tenir compte et pour cette Harmonie et pour les suivantes. La comparaison du texte imprimé en 1830, avec l’original de 1827, est des plus instructives.

Dans l’original comme dans la version définitive, le poète, au début de cette pièce consacrée à la terre natale, en évoquait les montagnes voilées de brouillard, les vallons tapissés de givre, les saules, les vieilles tours, les murs noircis par les ans, la fontaine où puisent les pasteurs. Puis venaient ces quatre vers :


Sommets où le soleil brillait avant l’aurore,
Prés où l’ombre du ciel glissait avant la nuit,
Airs champêtres qu’au loin roulait l’écho sonore,
Ruisseau dont le moulin multipliait le bruit !


Ces jolis vers ont été supprimés, sans doute parce qu’ils faisaient répétition ou longueur. Une autre suppression est beaucoup plus digne de remarque. On sait par cœur les vers fameux où le poète célèbre les beautés de la nature italienne ; « J’ai vu des cieux d’azur où la nuit est sans voiles… » Et ce sont les flots… les caps dentelés… les montagnes neigeuses qui se réfléchissent dans le miroir des lacs… Ici se plaçait un développement sur les palais avec jardins à l’italienne :


J’ai fréquenté des rois les superbes asiles,
Lieux où la volupté Se repose des villes,
Où pour tromper le cœur et charmer les regards
Le faste fait lutter la nature et les arts ;