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Le calme ne tarda pas à renaître. Les lettres d’Italie donnaient l’impression d’un perpétuel enchantement. Lamartine avait loué pour l’été à Livourne une villa au bord de la mer. « Cette délicieuse vie que vous nous peignez si bien, ce repos à l’ombre de vos figuiers et de votre vigne, comme les anciens patriarches, ces beaux vers religieux que tu y fais sûrement puisque tu fais des vers et que je verrai peut-être une fois, tout cela me charme. » (29 août 1828.) Et, en regard du tableau qu’on lui faisait de la campagne italienne, elle plaçait ce coin de paysage français, plein, pour celui qui y avait vécu, d’images familières et de souvenirs, a Donnez-moi, écrivait-elle, le plus de détails que vous pourrez sur tout ce que vous faites. Il faut bien aider mon imagination qui ne peut pas vous voir où vous êtes, comme vous nous voyez où nous sommes. Par exemple, moi, vous pourrez, sans beaucoup d’efforts, me voir bien souvent me promenant dans mon jardin, pensant à mes chers enfans, priant Dieu de les bénir, regardant ce chemin de la montagne avec un triste souvenir et une douce espérance, cueillant mes pommes avec plus d’intérêt en pensant que j’en conserverai peut-être encore pour vous. Voilà comme on rapporte tout à ce qu’on aime. » Peu à peu la situation de Lamartine grandissait ; à Florence, le grand-duc lui témoignait une faveur particulière ; à Parme, Marie-Louise l’accueillait et Neipperg le décorait[1] ; depuis le départ du marquis de la Maisonfort, il dirigeait seul la légation avec le titre de chargé d’affaires, et de beaux appointemens qu’il dépensait au quadruple pour faire fête « à toute l’Europe voyageante. » Ils étaient « tout à fait dans le grand momie, » comme on disait à Mâcon, où l’on ne laissait pas d’être un peu ébloui par tout cet éclat, et inquiet du contraste que ferait au retour la platitude de la vie provinciale : « Nous vous suivons dans toutes vos fêtes, nous jouissons de tous vos succès… Je ne sais si je n’aurai pas un peu peur de vous, quand vous aurez été en société si intime avec tant de gens célèbres en tout genre. Je n’aurai autre chose à vous dire, si ce n’est que je vous aime de tout mon cœur. Mais ce sera assez pour vous plaire, ma chère Marianne. » Les compatriotes de ce

  1. Lamartine à Mme A. de Lamartine : « Je viens de recevoir la croix de commandeur de l’ordre de Saint-Constantin de Parme avec une lettre charmante de Neiperg. Ce soir, je vais passer l’avant-soirée seul avec le grand-duc. » (24 août 1828.)